Le mot apprendre » dans lâexpression apprendre Ă se connaĂźtre, laisse entendre que cette action est une dĂ©marche. Il sâagit en effet dâun cheminement qui peut se rĂ©vĂ©ler long et sinueux. Par ailleurs, on admet souvent quâon ne finit jamais de connaĂźtre une personne mais peut-on finir de se connaĂźtre soi-mĂȘme ? Question difficile⊠Cependant, il est important de commencer, tout au moins, Ă se plier Ă cet exercice. Nous allons tenter dâexpliquer le pourquoi et le comment dans les lignes suivantes, spĂ©cialement sous lâangle de lâorientation de carriĂšre. Se dĂ©finir ou se laisser dĂ©finir ? Quel est votre premier rĂ©flexe lorsquâon vous pose la question suivante ou pendant que vous la lisez maintenant Comment vous dĂ©finissez-vous en tant que personne » ? Etes-vous tentĂ© de vous rappeler ce que les autres disent de vous ? Ou alors cherchez-vous la rĂ©ponse en vous, Ă partir de vos expĂ©riences, vos prĂ©fĂ©rences⊠? Les autres peuvent nous aider Ă prendre conscience de certains traits de notre caractĂšre mais ils peuvent Ă©galement porter sur nous des jugements erronĂ©s. Il est alors important de faire lâeffort de se dĂ©finir soi-mĂȘme dâautant plus que chaque personne est unique au monde, avec sa personnalitĂ©, son talent, ses qualitĂ©s, ses dĂ©fauts propres. Apprendre Ă se connaĂźtre et sâamĂ©liorer Apprendre Ă se connaĂźtre, câest acquĂ©rir la conscience de la personne que lâon est profondĂ©ment, dans son entiĂšretĂ©, câest-Ă -dire avec ses bons et ses mauvais cĂŽtĂ©s, ses forces et ses faiblesses. Cet exercice donne ainsi une merveilleuse opportunitĂ© de travailler Ă devenir une meilleure personne. Si Ă la question quelles sont vos qualitĂ©s et vos dĂ©fauts », souvent reçue lors dâentretiens dâembauche, lâon sait dire seulement ses qualitĂ©s, que devrait comprendre le recruteur ? Que nous nâavons pas de dĂ©fauts ? Ou que nous nâen avons pas conscience ? Dans un tel cadre, dire ses principaux dĂ©fauts bien sĂ»r, il ne sâagit pas dâen faire toute une liste, en les prĂ©sentant comme des points dâamĂ©lioration ou mieux comme des leviers dâefficacitĂ©, une fois canalisĂ©s, est une preuve dâhonnĂȘtetĂ© et de maturitĂ© qui sera certainement apprĂ©ciĂ©e par tout recruteur. Apprendre Ă se connaĂźtre et choisir Apprendre Ă se connaĂźtre permet de dire oui, Ă ce qui nous correspond et non, Ă ce qui nous Ă©loigne de nous-mĂȘmes, sans avoir peur ni honte dâĂȘtre diffĂ©rent des autres. Et cela est fondamental pour mener une carriĂšre et une vie heureuses. Prenons lâexemple de parents qui, en tentant de guider leurs enfants leur disent Je voudrais que tu sois mĂ©decin, comme moi ». Si lâon peut admettre que dans une mĂȘme famille, il puisse exister des gĂ©nĂ©rations de mĂ©decins, le mieux serait que cela arrive par choix et non par mimĂ©tisme, au risque dâĂȘtre malheureux. Par ailleurs, apprendre Ă se connaĂźtre permet de sâengager sur la voie de son dĂ©veloppement personnel en sĂ©lectionnant et en cultivant des centres dâintĂ©rĂȘt propres. Cela permet dâĂȘtre en phase avec soi-mĂȘme lorsque, en remplissant son Curriculum Vitae, on indique des Centres dâintĂ©rĂȘts » avĂ©rĂ©s et que lâon peut rĂ©ellement commenter. En effet, cette rubrique nâest pas anodine Ă©tant donnĂ© quâelle fournit au recruteur des renseignements sur la personnalitĂ© du candidat. Comment apprendre Ă se connaĂźtre ? Comme nous lâavons indiquĂ© dâemblĂ©e, apprendre Ă se connaĂźtre est un cheminement et cela peut prendre, dans certains cas, presque toute une vie ! Cependant, des psychologues ainsi que des cabinets spĂ©cialisĂ©s proposent des mĂ©thodologies et des tests permettant dâidentifier ses principaux traits de caractĂšre et de rĂ©aliser un examen de ses compĂ©tences personnelles et professionnelles. On peut ainsi citer les tests de quotient Ă©motionnel et intellectuel, lâindicateur typologique de Myers-Briggs⊠Sâidentifier, sâamĂ©liorer, opĂ©rer des choix de vie⊠Apprendre Ă se connaĂźtre reprĂ©sente une Ă©tape fondamentale voire un prĂ©requis pour rĂ©ussir non seulement une carriĂšre professionnelle mais toute une vie ! Pour aller plus loin, des liens utiles Se connaitre soi mĂȘme Tests psycho Cinq tests pour mieux se connaĂźtre Par Mariatou Ouattara
Une question importante souvent posĂ©e par les personnes qui souhaitent dĂ©marrer la pratique d'un sport ou d'un art martial qui permettront de se dĂ©fendre est "Est ce que je ne suis pas trop vieux"? La plupart du temps, il est conseillĂ© en art martial chinois de commencer le plus jeune possible, simplement pour une question de souplesse. Donc dĂ©jĂ apprendre Ă se dĂ©fendre est censĂ© ĂȘtre plus difficile quand on a un certain age et pas travaillĂ© la souplesse de son corps. La deuxiĂšme chose qui a son importance est qu'un tatami, un dojo, une salle de sport, ce n'est pas la rue et que la thĂ©orie ce n'est pas la pratique. On peut apprendre les mouvements de la natation mais pas pour autant savoir nager, et ĂȘtre un trĂšs bon nageur demande des annĂ©es de pratique et un entrainement rĂ©gulier. Se dĂ©fendre par un art martial ou de combat demande les mĂȘmes choses, connaissances soit? mais pratique endurcie Ă©galement. L'apprentissage de la self dĂ©fense Ă l'heure actuelle peut se faire par diffĂ©rentes voies. Tapez sur un moteur de recherche "apprendre la self dĂ©fense" et regarder les videos disponibles. C'est Ă©difiant et ça se passe de commentaires. Mais cela ne risque pas de vous donner une piste rapide et efficace. En continuant les recherches, vous allez arriver au krav magra et au systema, les techniques de combat rĂ©putĂ©es les plus efficaces. Le seul inconvĂ©nient est qu'il vaut mieux avoir une bonne forme physique pour les pratiquer et ne pas avoir un esprit trĂšs pacifiste, parce que la violence est loin d'en ĂȘtre exclue. Le rĂ©sumĂ© de ce qui est donnĂ© comme indispensable pour bien se dĂ©fendre en cas d'attaque dans la rue c'est "fluiditĂ©, attaque, Ă©nergie et puissance". Tout un programme irrĂ©alisable en quelques jours de stage pour le commun des mortels. Un pratiquant de karatĂ©, judo, aikido, ju jitsu, ... peut ĂȘtre capable de se dĂ©fendre efficacement contre un ou des attaquants. Mais il lui faudra des annĂ©es de pratique pour atteindre le niveau nĂ©cessaire. Ceux dont on parle dans les faits divers ont toujours un grade qui est loin de celui de base. On doit donc se faire une raison et attendre de se faire casser la figure, piquer son sac et se faire envoyer Ă l'hĂŽpital sans espĂ©rer sans sortir autrement? On ne devrait pas car se dĂ©fendre est une capacitĂ© naturelle. La nature se dĂ©fend elle mĂȘme et créée ses systĂšmes de dĂ©fense fonction de ses capacitĂ©s et de son environnement. Tout ĂȘtre humain est, fonction de ses capacitĂ©s et de son environnement, capable de faire de mĂȘme. Le dĂ©faut majeur des arts martiaux traditionnels, et c'est ce que lui reproche les techniques dites "plus efficaces", est de mĂ©langer le rituel Ă la philosophie de la discipline. Le rituel devient le moyen de comprendre la discipline et de voir plus loin que la rĂ©pĂ©tition des gestes exĂ©cutĂ©s le plus prĂ©cisĂ©ment possible. Cela demande du temps, beaucoup de temps et une recherche spirituelle qui en demande aussi beaucoup. Hors, ce dont ont besoin ceux qui cherchent un moyen de se dĂ©fendre d'une agression, c'est d'en ĂȘtre capables non seulement le plus efficacement mais aussi le plus vite possible. Le problĂšme des techniques de combat du type krav magra c'est qu'elles demandent Ă celui qui apprend de se transformer en une sorte de bĂȘte fauve, l'entraĂźnement dans pas mal de cours implique d'ĂȘtre capable de recevoir des gifles assenĂ©es avec force pour commencer. Est ce que vouloir se dĂ©fendre implique forcĂ©ment d'ĂȘtre violent avec pour but de dĂ©molir celui qu'on veut mettre hors d'Ă©tat de nuire? Tout le monde n'est pas prĂȘt Ă franchir ce pas, heureusement. Et blesser celui qui vous attaque, mĂȘme en cas de lĂ©gitime dĂ©fense, vous met d'emblĂ©e face Ă la loi. Se dĂ©fendre d'une agression c'est simple. Cela s'appuie uniquement sur la comprĂ©hension de l'action de l'Ă©nergie et de la confiance en soi. Pas besoin d'ĂȘtre une armoire Ă glace, sportif de haut niveau, jeune et souple, la plupart des grands maĂźtres qui enseignent des disciplines qui s'appuient sur l'Ă©nergie ont un age avancĂ© et une corpulence qui semble si fragile. L'apprentissage de la self dĂ©fense, rĂ©sister Ă une agression, doit pouvoir se faire pour un adulte quelque soit son age comme pour un enfant. Que de drames pourraient ĂȘtre Ă©vitĂ©s si on apprenait trĂšs jeune quelques rĂšgles simples, faciles Ă comprendre et trĂšs efficaces. En une semaine, du lundi au vendredi, avec des horaires dit "de bureau" une personne qui ne sait rien en ce domaine, qui ne pratique aucun sport, apprendra Ă se dĂ©fendre surement et sans violence, quelques week-end suffisent. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliquĂ© ? Si chacun savait se dĂ©fendre sans violence, personne n'attaquerait personne. Restez en paix
Ceclub de self-dĂ©fense a vu le jour Ă Lens avant de dĂ©mĂ©nager, il y a 3 ans dâici, dans la commune de Brugelette. Le club compte actuellement une dizaine de membres, tous Ăąges confondus ĂCes derniers temps, j'ai reçu plusieurs appels pour des cours de Wing Chun Self DĂ©fense Ă Nantes oĂč l'on m'a posĂ© une question ... surprenante peut-on se dĂ©fendre sans blesser son agresseur ? 1. La Self DĂ©fense pacifiste LâidĂ©e serait dâapprendre Ă se dĂ©fendre sans faire le moindre mal. Ou alors de pouvoir maĂźtriser un agresseur sans le constate quâil y a une grande mĂ©connaissance de la violence dâune agression ou de la violence dâun imagines-tu que le moindre coup va tuer ou blesser gravement ton te dis-tu que tu ne veux surtout pas ĂȘtre mis en cause parce que tu aurais gravement endommagĂ© ton ne sais pas mais quand je pose la question cela reste trĂšs confus. On me dit aussi vouloir apprendre Ă se dĂ©fendre mais pas pour combattre, juste pour pouvoir maĂźtriser quelquâ premiĂšre rĂ©ponse est souvent dâexpliquer, quâen cas dâagression, sâen sortir indemnes est dĂ©jĂ une prouesse en soi. Et ne penses-tu pas quâavant de tâinquiĂ©ter pour lâintĂ©gritĂ© physique de ton adversaire, il ne serait pas prĂ©fĂ©rable de songer Ă la tienne ? đLors dâun agression, rĂ©ussir Ă fuir ou mettre en dĂ©route un adversaire est une chose compliquĂ©e, mĂȘme en utilisant toutes les armes naturelles du corps outre, maĂźtriser une personne plus faible sans lui faire de mal est une chose extrĂȘmement difficile. Il faut souvent ĂȘtre plusieurs et ĂȘtre entrainĂ© comme le sont les forces de lâordre qui, mĂȘmes elles, ont parfois bien du mal Ă maĂźtriser un ce cadre, maĂźtriser un adversaire plus fort, plus agressif et parfois sous stupĂ©fiant est dâautant plus compliquĂ© voir impossible. 2. La rĂ©alitĂ© d'une agression Une agression peut se finir par des blessures graves, un viol, la mort, ou tout simplement se faire piĂ©tiner la tĂȘte par un groupe dâindividus ce type de situation, ne serait-il pas prĂ©fĂ©rable de tout faire pour sâen sortir ? MĂȘme blesser griĂšvement ton adversaire ?Comme je le disais prĂ©cĂ©demment, une agression est quelque chose dâextrĂȘmement traumatisant et violent. Il sera difficile de sâen sortir et tous les moyens Ă notre disposition doivent ĂȘtre utilisĂ©s pour Ă©viter de servir de Wing Chun Defense System nous enseignons tous les moyens nĂ©cessaires Ă la survie. Car notre objectif est dâaider les futures victimes dâ le disais mon MaĂźtre allemand le DaĂŻ Sifu Marcin M. il est prĂ©fĂ©rable de discuter avec les juges que de discuter avec les asticots ». Finalement, câest probablement de cela quâil sâagit Oui mais si lâagresseur porte plainte et que je vais en prison ? »La lĂ©gitime dĂ©fense est un vaste sujet, sur lequel vous nâaurez pas le temps dâargumenter lorsquâon essayera de sâen prendre Ă votre intĂ©gritĂ© ou celle de lâun de vos proches. 3. Sortir de l'utopie Tout le monde ne se fait pas agresser. Il y a beaucoup de facteurs qui amĂšnent une personne Ă essayer de porte prĂ©judice Ă ton intĂ©gritĂ© physique. Je ne suis pas un marchand de peur, nous ne vivons pas dans le pays le plus dangereux de la planĂšte. Mais les individus malveillants que tu croiseras en France ne prendront pas de pincettes non plus. Et surtout ils ne se demanderont pas sâils peuvent te voler, violer, tabasser sans te blesser. Si aujourdâhui tu veux rentrer dans une dĂ©marche dâapprentissage de la self dĂ©fense, prend bien ce dernier point en considĂ©ration.
Apprenezla self-dĂ©fense au TaĂŻ-Jitsu Club de Paris. Ouvert Ă tous. MĂ©thode de dĂ©fense personnelle, moderne, complĂšte, rĂ©aliste et responsable. Cours - Stages week-end - Stage vacances . Apprendre la Self-DĂ©fense TAĂ JITSU CLUB DE PARIS - Se dĂ©fendre est un art âą DĂ©roulement dâun cours : Vous apprendrez une vĂ©ritable mĂ©thode de dĂ©fense personnelle, 1Ouvrir les dossiers dâune citĂ© hlm, explorer les lettres et les pĂ©titions collectives adressĂ©es par les locataires, les mettre en sĂ©rie et les interprĂ©ter, câest dĂ©couvrir une intense relation Ă lâĂtat [1]. Ă travers de centaines de plaintes qui visent Ă lâexercice concret de droits reconnus par tous, on dĂ©couvre une recherche dâinscription dans une lĂ©galitĂ© sociale, un sens du juste qui fait controverse. Pourquoi cette intense activitĂ© scripturaire au front dâun Office public ? Pour bon nombre de locataires, le bureau hlm est conçu comme lâincarnation dâun pouvoir dâĂtat qui doit assurer le droit Ă un logement dĂ©cent, assumant en cela un devoir de solidaritĂ© nationale [2]. LâĂtat hlm », cette expression sâimpose par lâĂ©vidence de la puissance dont lâorganisme social est dĂ©positaire il est Ă la fois constructeur, gestionnaire, logeur, protecteur, et parfois, nĂ©anmoins, dĂ©ficitaire. Quelles que soient la nature et la portĂ©e des problĂšmes, de lâhygiĂšne publique aux troubles de voisinage, de la santĂ© des enfants Ă la rupture de logement dâun membre de la famille, câest Ă lâĂtat hlm que lâon sâadresse pour exiger quâil remplisse son devoir. 2Nous avons pris lâhabitude de penser que cette masse documentaire Ă©tait une pure production bureaucratique, sans aucun intĂ©rĂȘt particulier, sauf Ă classer et Ă quantifier les types de formulaires ou de questionnaires. De la paperasse ». Or, si lâon prend un point de vue ethnographique, une attention aux dĂ©tails de ces relations Ă©pistolaires, elles Ă©clairent des problĂšmes sous un autre jour. Parce que les individus Ă©crivent, rĂ©vĂšlent des postures mentales et sociales, on peut y dĂ©celer des façons de penser, de se confronter ou de sâaccommoder avec les rĂšgles sociales. Ă lâinterface des Ă©crits populaires et des logiques institutionnelles, se rĂ©vĂšlent des points nĂ©vralgiques qui dressent des exigences. 3Sur le terrain des diffĂ©rends, tout un courant de recherches Ă©tudie depuis des annĂ©es la problĂ©matique de lâaccord justifiĂ© Boltanski et ThĂ©venot, 1987 et les registres de justification publique employĂ©s. Dans ce cadre, les travaux de TrĂ©pos 1991 et B. Guigou 2003 sur les rĂ©clamations des locataires ont soulignĂ© fort Ă propos le registre domestique » des arguments proposĂ©s, comme une zone de lĂ©gitimitĂ© premiĂšre qui autorise Ă porter publiquement une justice disputĂ©e. Ainsi le corpus de lettres que nous avons explorĂ©es relĂšve de cet ordre domestique, au sens large, avec, nĂ©anmoins, tout un vocabulaire civique qui explicite les raisons dâagir des locataires. Sans Ă©puiser les contraintes de justification qui peuvent se rapporter Ă bien dâautres registres contradictoires [3], les rĂ©clamations adressĂ©es Ă lâhlm nous conduisent Ă rĂ©flĂ©chir sur lâusage ordinaire du droit, au plus prĂšs dâune expĂ©rience accumulĂ©e de lâĂtat social. Dans cet ordre dâidĂ©es, il sâagira de dĂ©gager dans les pages qui suivent les zones de lĂ©gitimitĂ© Ă partir desquelles les locataires manipulent des notions juridiques et des raisons indigĂšnes de protester. Quâil sâagisse dâun droit revendiquĂ©, dâune clause de contrat non respectĂ©e ou dâune situation illĂ©gale mais considĂ©rĂ©e comme lĂ©gitime, le sens juridique est utilisĂ©, traduit, dĂ©tournĂ© dans une tentative pour sâamĂ©nager une zone de protection. Au croisement des Ă©vĂ©nements ordinaires et des catĂ©gories administratives, le droit se rĂ©vĂšle ĂȘtre une expĂ©rience constante, une pratique qui engage un sens qui se heurte ou non aux dĂ©finitions officielles Silbey et Ewick, 1997. 4Les rĂ©ponses administratives et la jurisprudence concernant lâhabitat social seront aussi mobilisĂ©es afin de restituer les chaĂźnes dâinterprĂ©tation façonnĂ©es par les plaintes. Confronter les raisons indigĂšnes aux arguments des magistrats permet dâobserver comment lâactivitĂ© des locataires ou leurs hĂ©bergĂ©s nourrit ou se heurte aux dĂ©finitions officielles, agit ou non sur lâaction de lâorganisme hlm et de lâĂtat dans le rĂŽle de protection du logement social. Sans intention dâĂ©puiser la question, lâarticle propose quelques Ă©lĂ©ments empiriques pour suivre lâanalyse des relations entre les familles dâorigine populaire et lâ lettres de plainte5Les lettres prĂ©sentĂ©es ont Ă©tĂ© recueillies lors dâune enquĂȘte ethnographique dans une citĂ© hlm du nord de la banlieue parisienne 2008-2010. Les portes de la dĂ©lĂ©gation hlm nous ont Ă©tĂ© ouvertes dĂšs la premiĂšre annĂ©e dâenquĂȘte, ainsi que les dossiers des locataires, sous promesse dâanonymisation des titulaires. De nombreuses piĂšces administratives et des documents personnels sont archivĂ©s dans ces dossiers. Outre le contrat, le rĂšglement intĂ©rieur et les courriers venant de lâOffice, lâobservateur ne peut que sâĂ©tonner de la prĂ©sence massive de piĂšces apparemment disparates, comme les photographies des murs et des plafonds moisis, adjointes aux lettres pour soutenir une demande. Ces dossiers individuels contiennent les traces de 15 ou 20 ans de relations contractuelles avec le bailleur et forment des espĂšces de biographies locatives ». 6Les registres des 120 lettres consultĂ©es forment une large palette qui va de la supplique Ă la protestation et au contentieux [4]. Dans un mĂȘme dossier, les individus passent dâun registre Ă lâautre au grĂ© des circonstances pratiques. Ces lettres sont tantĂŽt individuelles, tantĂŽt collectives pĂ©titions, et leur rĂ©daction montre que les auteurs ont gĂ©nĂ©ralement un faible niveau dâinstruction, ce qui ne les empĂȘche guĂšre de souligner des mots, des phrases, comme une insistance motivĂ©e par la crainte de ne pas ĂȘtre lu ou pris en compte. Ils sont des locataires ordinaires qui ont parfois recours Ă lâĂ©crivain public de la citĂ© ou Ă leurs enfants plus lettrĂ©s [5]. Sur un plan gĂ©nĂ©ral, ce qui motive les plaintes est associĂ© Ă ces difficultĂ©s un horizon de revenus serrĂ©s, oĂč 54 % des locataires en titre ne disposent pas dâun emploi, alors que seulement 29 % ont un emploi stable [6] ; lâhĂ©bergement de proches et la sur-occupation du logement 10 % des familles dĂ©clarent hĂ©berger un proche parent ou ami ; lâendettement massif 30 % des locataires ont des dettes de loyer, les deux tiers Ă©tant dĂ©jĂ pris dans un contentieux administratif [7].. 7Nous nâutilisons ici quâune partie de ce corpus, celle que nous regroupons sous le terme de plaintes, rĂ©digĂ©es entre les annĂ©es 1980 et les annĂ©es 2000. Le mot plainteâ est polyvalent, il va de la plainte informelle auprĂšs des hlm par exemple, Ă la plainte judiciaire, en passant par la plainte auprĂšs de la police ; mais cette polyvalence permet de montrer comment on passe des unes aux autres. DĂ©poser une plainte, câest dĂ©noncer une dĂ©faillance et tracer un chemin vers une rĂ©paration. Comme dâautres lettres adressĂ©es aux autoritĂ©s, celles-ci montrent que les institutions nâont pas du tout le monopole du jeu entre les notions et les catĂ©gories officielles, puisque les individus doivent aussi les manier pour rendre compte de leur expĂ©rience, se dĂ©fendre, convaincre. Notre proposition de lecture est la suivante loin dâĂȘtre une simple paperasse administrative, ces lettres constituent des provocations qui tendent Ă crĂ©er de nouveaux rapports avec lâOffice hlm. Elles jouent un rĂŽle important dans les dĂ©cisions, tant au niveau administratif quâau niveau judiciaire. LâĂtat, câest vous »8Pour introduire ces pratiques et lignes de conflit, suivons cette premiĂšre lettre du 3 octobre 1995 9Monsieur,Je suis locataire de lâappartement 3956. Concernant la signature du nouveau contrat, je tiens Ă vous rappeler que les travaux ne sont pas terminĂ©s. Manque digicode dans les halls dâentrĂ©e. Poubelles ordures devant chez moi. Vous avez supprimĂ©s vos caves faux problĂšme. Vu que je nâai plus ma cave, auriez-vous lâobligeance de me diminuer le loyer de base de la superficie de cette cave, soit 9 mts2 ? Depuis quelque temps nous vivons dans un ensemble de dĂ©charge public. Nous payons relativement cher et payons des charges. Les lieux devraient ĂȘtre nettoyĂ©s rĂ©guliĂšrement. Dâautre part, les murs sont moisis. Et les murs ne nous appartiennent pas. Si lâĂtat nâa pas donnĂ© assez de subvention lâĂtat câest qui ? Câest dĂ©jĂ vous ce nâest pas de notre faute. Et depuis le mois dâaoĂ»t de 1972 que jâhabite au Clos St. Lazare, je crois que jâai dĂ©jĂ versĂ© assez de charges, vous nous le devez. Quand nous avons un problĂšme, soit une fuite au wc, soit la chasse dâeau, vous nous rĂ©pondez que câest Ă notre charge, alors les murs exterieurs, cela vous appartient et cela ne nous concerne attendant une rĂ©ponse,Mme Yonkie 10Cette lettre nâest pas un Ă©tat de lieux. Et pourtant, elle lui ressemble. Sur le dos dâun questionnaire dâinformation concernant lâaugmentation de charges, Mme Yonkie, la locataire, souligne le dĂ©labrement chronique avec emphase. Elle se voit imposer une augmentation de charges alors que les travaux qui relĂšvent du bailleur ne sont pas achevĂ©s. On peut penser quâelle conteste lâargument qui lui a dĂ©jĂ Ă©tĂ© opposĂ© selon lequel lâĂtat nâa pas donnĂ© assez de subvention ». Chaque partenaire renvoie la responsabilitĂ© Ă lâautre, suivant sans doute son orientation et sa dĂ©pendance budgĂ©taire et politique. Pourtant, Mme Yonkie ne regarde pas ces conflits dâintĂ©rĂȘts. LâĂtat câest vous », rĂ©pond-t-elle sans dĂ©tours. Il faut souligner dans son propos cette incarnation de lâĂtat dans la citĂ© hlm, dans les lieux, dans les murs, dans lâentretien, et finalement, dans les charges. Câest lâĂtat qui a produit la citĂ©, qui lâa conçue, qui lâa mal subventionnĂ©e et qui augmente les charges. Mme Yonkie nâest pas une militante ; câest une locataire ordinaire qui rĂ©sume ce que les habitants pensent, la façon dont ils perçoivent leurs lieux de vie et en imputent la responsabilitĂ©. Cette affirmation, lâĂtat câest vous », mĂȘme lorsquâelle nâest pas Ă©crite expressĂ©ment, se lit entre les lignes dâinnombrables lettres de plaintes adressĂ©es Ă lâOffice hlm. Combien de fois celui-ci a-t-il Ă©tĂ© sollicitĂ© sur des problĂšmes qui ne le concernent pas nĂ©cessairement conflits entre voisins, rupture de logement dâun proche, mutation retardĂ©e ou Ă©cartĂ©e, absence de services publics ou de commerces dans la citĂ©, chĂŽmage de longue durĂ©e, maladie ? 11 Aux points dâaccueil, on fait du tout-venant [sâĂ©crie la dĂ©lĂ©guĂ©e adjointe de lâOffice public], les gens pensent que nous sommes la police, des assistants sociaux. On remplace les services sociaux un peu dĂ©faillants ! ». 12Dans lâesprit des scripteurs, lâOffice hlm est comme un guichet central qui se substitue alternativement Ă la mairie, Ă la police, Ă lâhygiĂšne publique, Ă la sĂ©curitĂ© sociale, Ă la protection de lâenfance, Ă la justice civile ou pĂ©nale. Puisque lâOffice hlm est le guichet le plus proche et le plus familier, identifiĂ© comme relevant dâun grand service public sous la responsabilitĂ© de lâĂtat, on sây adresse comme Mme Yonkie pour se plaindre de vivre dans un ensemble de dĂ©charge publique ».Droit et bon droit »13Dans cette citĂ© paupĂ©risĂ©e, ĂȘtre hĂ©bergĂ© chez des locataires est trĂšs frĂ©quent. Environ 10 % des familles dĂ©clarent hĂ©berger chez elles des proches parents ou amis. Câest une source dâinnombrables conflits et cela bouscule lâĂ©quilibre des parentĂ©s. Lâimpossible vie privĂ©e fait Ă©clater les solidaritĂ©s, exacerbe autant les humeurs des hĂ©bergeants que des hĂ©bergĂ©s. 14Prenons un exemple. Cela fait 4 ans dĂ©jĂ que Charlotte Leru, ses enfants et son ami sont logĂ©s chez Mme Delbois, sa belle-mĂšre. Les deux femmes multiplient les demandes et restent inscrites dans la liste dâattente de la Mairie. Depuis longtemps Mme Delbois a dĂ©cidĂ© de quitter son appartement de 4 piĂšces pour un logement plus petit afin dâallĂ©ger ses dĂ©penses. Elle le sait, la consĂ©quence serait lâexpulsion de ses hĂ©bergĂ©s. La demande dâun autre logement est pressante, Ă cette adoption locative doit succĂ©der un autre maillage qui empĂȘche la famille hĂ©bergĂ©e de se trouver dans la rue, le foyer ou le squat. Ce nouveau support devrait ĂȘtre un contrat de location. 1529 janvier 1980 16Monsieur ou madame,Jâai le plaisir de vous Ă©crire au sujet de la personne que jâhĂ©berge chez moi. Elle sâappelle Mlle. Charlotte Leru, mĂšre de 3 enfants en bas Ăąge, qui nâa pas de logement et pas de famille. Ă partir du 15 fĂ©vrier 1980 elle nâaura pas dâendroit Ă coucher avec ses trois enfants. Je vous prie bien de la loger â car si je nâĂ©tais pas lĂ pour la ramasser dans la rue, oĂč elle ira ? Jâai remarquĂ© que vous vous comptez sur moi parce quâelle est chez le 16 fĂ©vrier 1980 elle nâest pas relogĂ©e, je ne payerai pas le loyer. Si câĂ©tait pour aller Ă la guerre vous aurez dĂ©jĂ envoyĂ© une convocation. Si vous ne lui donnez pas de logement je vous emmĂšne les enfants avec elle et vous allez vous dĂ©brouiller. Jâai pris assez patience avec cette histoire, je nâen peux plus. Ă partir du 15 fĂ©vrier 1980 elle est Ă votre charge, je vous lâamĂšne et je vous la laisse. Je vais voir le maire Monsieur Chirac et le PrĂ©fet pour lui demander si une mĂšre de trois enfants nâa pas droit Ă un logement. Elle voudrait un F3 ou un F4 mĂȘme dans les anciens logements, câest la derniĂšre lettre que je vous Ă©cris car je ne saurai que faire avec Delbois HĂ©lĂšne. 17Câest une lettre dâavertissement. Deux menaces se lĂšvent. Dâabord lâarrĂȘt de paiement du loyer, ensuite une dĂ©nonciation de lâOrganisme aux institutions le Maire et le PrĂ©fet. Alors quâelle habite Ă Stains, Mlle Delbois Ă©voque le nom du maire de Paris, M. Chirac, une figure de pouvoir qui pourrait prendre parti dans lâaffaire. Cette connaissance, si minime soit-elle, du jeu politique, câest une arme pour soutenir sa demande. Pourquoi ? Parce que Mme Delbois se considĂšre comme remplissant une fonction de solidaritĂ© qui, Ă ses yeux, est du ressort de lâorganisme hlm, lui-mĂȘme conçu comme une figure de lâĂtat hlm. Face Ă la menace de la cave et de la rue, Mme Delbois exige, comme un droit, un logement social. La protection contractuelle doit se substituer Ă la protection rapprochĂ©e. La locataire va jusquâĂ taire son lien de parentĂ© avec Charlotte Leru, sa belle-fille, pour Ă©viter que lâOffice ne compte sur une obligation morale envers elle. Elle sait bien que lâaide publique est pensĂ©e comme une compensation visant Ă supplĂ©er des ressources familiales dĂ©faillantes. 18On peut penser que la locataire va quitter Ă la date mentionnĂ©e lâappartement et ainsi, contraindre la famille hĂ©bergĂ©e Ă rejoindre la rue. Or, Ă travers les rapports des enquĂȘteurs, on apprend que Mme Delbois ne dĂ©mĂ©nagera pas en fĂ©vrier, mais en dĂ©cembre de cette mĂȘme annĂ©e, et ne dĂ©posera jamais Charlotte, ses enfants et ses affaires Ă la DĂ©lĂ©gation. Au contraire, elle laissera les clĂ©s Ă sa belle-fille qui occupera sans titre ni droit lâappartement. Ă dĂ©faut de bail, ce sera le squat 19 La locataire a Ă©tĂ© mutĂ©e. Elle a laissĂ© dans les lieux Mme Leru et ses enfants. La candidate nâest pas solvable. Lâexpulsion ne pouvant ĂȘtre obtenue, il y a lâintĂ©rĂȘt Ă muter lâhĂ©bergĂ©e dans un logement plus petit. Le logement dĂ©jĂ proposĂ© par la Commune lui convient. » 20Par la plainte Ă©crite, lâoccupation bruyante des guichets et le transfert des clĂ©s, la transmission de bail a eu lieu. Câest une victoire. LâidĂ©e dâĂȘtre dans son bon droit » rĂ©sume le mieux ces pratiques considĂ©rĂ©es comme lĂ©gitimes, oĂč les familles demandent Ă lâĂtat des comptes sur le droit Ă ĂȘtre protĂ©gĂ© ». Ă propos de lâexpression ĂȘtre dans son bon droit », A. Cottereau signale que cette expression française [âŠ], demeurĂ©e usuelle au xixe siĂšcle, mettait en opposition sĂ©mantique le droitâ et le bon droitâ, Ă©tirant sur deux pĂŽles la lĂ©galitĂ© textuelle le droit et la lĂ©galitĂ© lĂ©gitime le bon droit. Son invocation engageait une exigence critique de lĂ©gitimitĂ©, de la part des citoyens, demandant Ă la lĂ©galitĂ© des comptes sur son bien-fondĂ© » Cottereau, 2002 1544. 21Rappelons quâĂ lâĂ©poque oĂč la locataire Ă©crit, en 1980, le droit au logement pour les familles sans abri est loin dâĂȘtre Ă©tabli. Il faudra attendre la loi Quillot » 23 juin 1982, puis la dite loi Mermaz » 22 juillet 1989 relative au rĂ©gime des baux dâhabitation, pour que le logement apparaisse comme un droit fondamental, quoique Ă©voquĂ© en disposition liminaire, pour rĂ©glementer les rapports entre bailleurs et locataires [8]. Or, ni en location ni en propriĂ©tĂ©, le squat revendiquĂ© ne se situe au nĆud de cette contradiction, entre un droit Ă©crit un peu virtuel, encore flou, et lâabsence de mesures pour loger les sans-abri. Entre-deux, le bon droit » soutenu dans les plaintes force des petites dĂ©cisions, au cas par cas, tant du cĂŽtĂ© du PrĂ©fet que de lâOffice public. Par cette expression â lâexpulsion ne pouvant pas ĂȘtre obtenue » â, lâOffice assume le relogement. 22DĂšs lors, la rĂ©ponse de lâOffice peut ĂȘtre analysĂ©e comme une gestion diffĂ©renciĂ©e de ces illĂ©galismes soit il donne accĂšs direct Ă un bail, comme Ă Mme Charlotte Leru, soit il tolĂšre une occupation, Ă©chappant par lĂ aux statuts lĂ©gaux impĂ©ratifs par lâ obligation de payer une indemnitĂ© dâoccupation » ou une convention dâoccupation prĂ©caire », soit il lâinterdit par une expulsion. Sur un plan plus gĂ©nĂ©ral, on comprend que ce rapport de forces dont lâĂ©criture administrative est le terrain suscite un espace jurisprudentiel Ă tous les niveaux, qui trace dâautres façons de faire, plus ou moins prĂ©caires, pour accĂ©der au droit. Bien avant le tribunal, bien avant le contentieux, ce droit indigĂšne sâexerce localement Ă travers ces plaintes et par les petites dĂ©cisions que prendra lâOffice. Pour les locataires et leurs hĂ©bergĂ©s, il sâagit Ă chaque fois de rentrer dans le droit, dây tracer un chemin en faisant preuve de sa bonne foi », de son dĂ©nuement, en invoquant une responsabilitĂ© sociale de lâ rappels Ă lâordre contractuel23Que se passe-t-il lorsquâun contrat est enfin Ă©tabli ? Quelles sont les raisons indigĂšnes de protester, et quels sont les registres de justification mobilisĂ©s ? Dans de nombreuses rĂ©clamations au Point dâaccueil et dans de nombreuses correspondances, quel quâen soit lâobjet, la premiĂšre phrase affirme le droit du bon locataire 24 Jâai toujours payĂ© mon loyer. » 25Lorsque prĂšs dâun tiers de la citĂ© supporte des impayĂ©s de loyer, on comprend quâil sâagit dâun enjeu important dans les relations avec lâorganisme. 26 Je nâai jamais eu de dettes », affirme un locataire au Point dâaccueil. 27Ne pas ĂȘtre endettĂ©, câest une valeur positive dans lâĂ©valuation de ses demandes. Le contrat du cĂŽtĂ© du logĂ© est bien honorĂ©, ce qui nâest pas toujours le cas du cĂŽtĂ© de lâOffice 28 Je ne comprends pas ce que vous faites, on attend depuis quatre mois et vous ne faites rien, on nâest pas des dĂ©linquants. Nous avons des droits et vous des devoirs. » 29La figure du locataire non endettĂ© permet de rappeler le droit, et de distribuer les obligations de chacun, comme dans cette fin de lettre 30 Au total donc, il y a cette chose qui selon mes droits et conformĂ©ment au contrat que jâai signĂ© avec vous, depuis mon entrĂ©e dans ces lieux, je dois bĂ©nĂ©ficier totalement de la jouissance de ces lieux [9]. » 31Honorer et bien connaĂźtre le contenu du contrat est une maniĂšre lĂ©gitime de monter le ton » ou de protester ouvertement 32 Je vous rappelle que les gros travaux de rĂ©paration sont Ă votre charge et notamment le maintien en Ă©tat de la chose louĂ©e. De ce fait je me permet Ă nouveau de vous joindre la facture Darty de 63 euros, puisque ça mâa causĂ© un prĂ©judice. » 33Des notions juridiques Ă©maillent les lettres pour rappeler que la relation contractuelle est protĂ©gĂ©e par un ordre public qui la dĂ©passe. Par lĂ , les locataires brandissent le principe de bilatĂ©ralitĂ©, dĂ©montrant que bien quâĂ©tant la partie faible du contrat, ils peuvent et savent se dĂ©fendre. Jouissance dans les lieux », maintien en Ă©tat de la chose louĂ©e », gros travaux Ă la charge du bailleur », Ă travers ces notions, les locataires avertissent le bailleur quâil se place en dehors des rĂšgles de la libertĂ© contractuelle et de lâautonomie de la volontĂ©, et quâil ne peut pas faire ce quâil veut. Se dessine ainsi une zone de respectabilitĂ© Ă partir de laquelle demander et se plaindre nâest plus un acte arbitraire. Câest un acte lĂ©gitime. 34Si cette culture du contrat nâest pas partagĂ©e par tous, il faut remarquer que beaucoup dâĂ©changes, dâinteractions, de sociabilitĂ©s alimentent ce savoir faire et ce vocabulaire partagĂ© du rappel Ă lâordre contractuel. Ătre dans son droit » est une expression courante dans les correspondances Ă lâOffice. Plus quâĂ une conception rĂ©ifiĂ©e du droit, dont le caractĂšre serait distant, intraitable », on a affaire Ă une pratique trĂšs concrĂšte du droit, un rappel de ce que la lĂ©galitĂ© en citĂ© hlm veut dire [10]. On ne lâinvoque pas de façon solennelle, mais on lâutilise au ras de circonstances pratiques. Les individus ne sont pas hors du droit, moins encore contre le droit, ils sont au cĆur dâune sorte de montage de lĂ©galitĂ© » entre des notions juridiques et des raisons indigĂšnes pour sâamĂ©nager une zone de protection, fixer une interprĂ©tation sur ce qui doit ĂȘtre fait ».La force des plaintes communes35Bien que les lettres soient Ă©crites Ă titre individuel, elles sont partagĂ©es avec des voisins et des amis qui font de mĂȘme, car les ascenseurs, les dĂ©gradations, les demandes de mutation en attente concernent tous les locataires. Cette condition commune constitue un ressort majeur des Ă©critures. Savoir vivre une condition partagĂ©e est la base dâune prise de parole qui conduit Ă monter le ton » pour exiger de lâinstitution que ses revendications soient entendues. Il sâagit dâune zone de lĂ©gitimitĂ© Ă partir de laquelle demander ou se plaindre nâest plus un acte individuel ou arbitraire. Cette dĂ©-singularisation du diffĂ©rend Boltanski, 1984 ; TrĂ©pos, op. cit. dans les correspondances passe tantĂŽt par le recours individuel au droit, tantĂŽt par lâappel Ă des collectifs dâoccupants. 36 âŠNous avons pris notre mal en patience jusquâici mais les ascenseurs dans notre immeuble sont frĂ©quemment en panne et nous sommes obligĂ©s de gravir les 13 Ă©tages Ă pied et parfois chargĂ©s de courses. Les plaintes des occupants sont sans doute arrivĂ©es jusquâĂ votre bureau. Nous avons ras le bol de cette situation. » 37Dans les halls, dans les escaliers lors des pannes dâascenseur, les occupants se transmettent des informations, partagent leurs expĂ©riences, forment des plaintes communes. Le je » des prises dâĂ©criture cache cette expĂ©rience partagĂ©e qui forme un collectif » seulement Ă des moments prĂ©cis une pĂ©tition suite Ă un Ă©tĂ© entier de panne dâascenseur, lors dâune rĂ©union sur la rĂ©novation du quartier, devant un dĂ©sordre dans lâescalier, comme cette plainte des habitants de rue Lamartine » avec 60 signatures, intitulĂ©e 38 La vie quotidienne est invivable au sens propre du terme » Notre plainte est motivĂ©e par plusieurs faits Tapage nocturne de la voisine du 3e ; Disputes rĂ©pĂ©tĂ©es dans lâescalier ; Jet de bols de cafĂ© et de bouteilles dâalcool sur la terrasse et la voirie ; Pas dâhygiĂšne dans lâescalier ; Aucun respect du voisinage malgrĂ© nos rĂ©flexions. Nous nous sommes mobilisĂ©s tous ensemble pour faire revenir le calme dans ce hall et dâĂ©viter ces dĂ©sagrĂ©ments. Merci dâintervenir en toute urgence. » 39La pĂ©tition appuie tous les autres moyens internes pour installer un ordre dans lâescalier. Ensuite, elle fait appel Ă trois institutions diffĂ©rentes la police, les services dâhygiĂšne publique et le service proprement technique des hlm. On sâadresse Ă lâOffice comme Ă un organisme tout puissant, reprĂ©sentant de lâĂtat, attentif aux dĂ©sordres et aux dĂ©sagrĂ©ments. La requĂȘte paraĂźt excessive, mais les pouvoirs publics confirment en partie ces imputations de responsabilitĂ©, en soutenant par les dĂ©crets des 28 dĂ©cembre 2001 et 3 mai 2002 la mise en place dâune police locative propre aux grands ensembles [11]. Il en va ainsi pour les tribunaux qui, sous lâimpulsion des locataires, contraignent les Offices Ă payer des dommages et intĂ©rĂȘts pour troubles consĂ©cutifs Ă une surveillance insuffisante ou Ă une modification de la chose louĂ©e sans accord du locataire [12]. 40Ces requĂȘtes deviennent collectives lors des pĂ©titions et forment des plaintes communes dans les recueils de jurisprudence. On sâaperçoit que la force des lettres, des pĂ©titions, du travail au guichet, des conflits juridiques prĂ©sentĂ©s devants les tribunaux, crĂ©e une jurisprudence Ă tous les niveaux, une succession de petites dĂ©cisions, qui renforce elle-mĂȘme une image de lâĂtat hlm. Sur tous les fronts, lâĂtat hlm est pris Ă partie, Ă tel point que se crĂ©ent de nouveaux services spĂ©cialisĂ©s, dont le service de police locative en lien avec la mairie, la prĂ©fecture, les services sociaux. LâactivitĂ© lĂ©gislative concernant les hlm, par une rubrique particuliĂšre dans les recueils de jurisprudence, rĂ©pond Ă la multiplicitĂ© de conflits suscitĂ©s par les locataires. Câest dans ce cadre que les plaintes dispersĂ©es dans les dossiers Ă©mergent. Car finalement ces centaines de plaintes archivĂ©es forment un grand rĂ©cit de malheur, comme un mode dâappartenance Ă une communautĂ© » qui force lâattention publique et la prise en charge du problĂšme LaĂ©, 1996 23. Ă force dâinsister, de sommer, cette activitĂ© quotidienne trouve un Ă©cho auprĂšs des bureaux administratifs qui rĂ©pondent 41 Votre lettre de pĂ©tition concernant lâĂ©tat de propretĂ© des immeubles et des espaces extĂ©rieurs de lâallĂ©e Carco a retenue toute notre attention. Nous avons pris un certain nombre de dispositions qui doit permettre rapidement de retrouver des conditions de propretĂ© et dâhygiĂšne qui vous sont dues. » 42Les locataires, rassemblĂ©s autour de leur statut commun face Ă lâĂtat, font ainsi valoir leur droit. Ce nous » fait force et rend lĂ©gitimes les plaintes, car câest bien dâune mĂȘme condition sociale dont il sâagit, qui se rapporte aussi bien Ă leur statut commun dans lâhabitat social, quâaux emplois prĂ©caires et dĂ©qualifiĂ©s, Ă la fatigue du quotidien, aux efforts pour payer un loyer et les charges dâun logement 43 Je tiens Ă rappeler que la plupart des locataires de cet immeuble sont astreints Ă des horaires de travail et repos particuliers restauration, chantier, hĂŽtellerie. Nous avons droit Ă un minimum de tranquillitĂ©. » 44Lâauteur de cette lettre se prĂ©sente comme le porte-parole dâun nousâ, celui qui rassemble ceux qui ont des horaires dĂ©calĂ©s, une communautĂ© de condition qui mĂ©rite un espace digne de repos. Les lettres au singulier ne sont pas de relations individualisĂ©es, tant il est vrai que les auteurs se dressent comme reprĂ©sentants de leur escalier, de leur immeuble, de leur statut et de leur condition sociale. Câest tout autant lâhabitant, le travailleur et le citoyen qui parlent. Il ne sâagit pas ici de construire un rapport individualisĂ© entre des personnes qui sollicitent et une personnalitĂ© qui octroie, mais bien plutĂŽt dâun rapport juridique entre un collectif dâhabitants furtif et un organisme droit de rĂ©sistance ?45Avant dâouvrir un contentieux judiciaire, bloquer le paiement des loyers est une technique pour tordre le bras » de lâOffice et faire valoir ses droits. On adressera le loyer au Fond de dĂ©pĂŽt et consignations ou lâon suspendra tout versement. Ainsi des lettres de menace de non-paiement des loyers apparaissent rĂ©guliĂšrement dans les dossiers consultĂ©s. Elles recouvrent Ă©videmment des rĂ©alitĂ©s diffĂ©rentes et font suite aux nombreuses demandes et revendications insatisfaites. Comme dans cette lettre Ă©crite par une locataire en 1990, suite Ă la rĂ©novation urbaine qui promettait dâamĂ©liorer le cadre de vie de la citĂ© 46 Vous envisagez dâaugmenter les loyers pour le mois de mai 1990, la rĂ©novation Ă©tant selon vous terminĂ©e. Nous sommes dĂ©solĂ©s. Ce nâest pas fini. Maintes rĂ©clamations ont Ă©tĂ© faites auprĂšs de vos services. Les fenĂȘtres ne sont pas Ă©tanches. LâĂ©clairage des escaliers, couloirs, fait encore dĂ©faut. Les portes paliĂšres sont vĂ©tustes. Les ascenseurs, neufs, sont continuellement en panne, sans vandalisme particulier. En conclusion, nous paierons la hausse des loyers quant les travaux seront achevĂ©s, pas avant. » 47Ces mesures entament un contentieux sans que le tribunal soit saisi directement par le requĂ©rant. Etant donnĂ©s les bas revenus des locataires, et le poids du loyer dans lâĂ©conomie gĂ©nĂ©rale des familles un loyer assez Ă©levĂ© », dit-on souvent, on pourrait penser quâil sâagit lĂ de protestations qui se superposent Ă la pĂ©nurie des ressources. Ă quel moment menace-t-on dâun non-paiement des loyers ? Est-ce une mesure prise indĂ©pendamment des budgets du mĂ©nage ? Câest la question que semblent se poser les magistrats, lorsquâils blĂąment une locataire assignĂ©e en justice pour dette de loyer dâavoir alertĂ© les services dâhygiĂšne une fois endettĂ©e [13]. Et sâil sâagissait dâune forme de protestation liĂ©e au manque de ressources ? Et sâil sâagissait des deux raisons Ă la fois, une façon de protester et de lutter pour sa cause ainsi que de garder sa dignitĂ©, celle du bon payeur, lorsquâon peine Ă le faire ? Si lâon suit Choukri Ben Hmed, le cas de la grĂšve des loyersâ donne prĂ©cisĂ©ment Ă voir lâincidence des ressources [âŠ] sur la dĂ©termination des modes et des processus de lâaction. » Hmed, 2007 68. La pĂ©nurie de ressources et la protestation agissent simultanĂ©ment, et cristallisent sur ce type de grĂšve 48 Face Ă votre ignorance, Ă©tant donnĂ© que nous payons le loyer, si ce problĂšme nâest pas rĂ©glĂ©, nous cesserons de payer Ă partir du mois de fĂ©vrier. Car il est inacceptable de vivre dans de telles conditions en payant un loyer assez Ă©levĂ©. » Comme vous ne me traitez pas comme un ĂȘtre humain digne de ce nom, en tant que pĂšre de famille et par souci de protection de mes enfants, je dĂ©cide de bloquer le montant des loyers et de le verser chaque mois Ă la Caisse des dĂ©pĂŽts et consignations jusquâĂ ce que les travaux soient rĂ©alisĂ©s. » 49La menace est claire si la rĂ©paration nâest pas faite, lâarrĂȘt du paiement se fera Ă partir du mois courant. Un droit de rĂ©sistance est ainsi Ă©voquĂ©, cette vieille institution qui veut que lâordre lĂ©gal soit susceptible dâirrĂ©vĂ©rence quand les droits fondamentaux, stipulĂ©s dans la Constitution, sont visiblement transgressĂ©s Gargarella, 2005 ; Gloppen, 2005. LâĂ©cart au droit est alors une forme de pression qui vise des effets restaurateurs. Dans le registre de justifications, il sâagit pour les locataires de rapprocher ces deux termes, la non-conformitĂ© du logement et la santĂ© des enfants qui est ainsi atteinte [14]. Ils sâadressent au service dâhygiĂšne et de sĂ©curitĂ© de la ville pour alerter du problĂšme dâinsalubritĂ©, demandent un rapport Ă lâassistante sociale, recueillent des attestations chez le mĂ©decin qui confirme que lâinsalubritĂ© est en partie responsable de lâĂ©tat des enfants allergiques aux moisissures [15] » et prennent la camĂ©ra pour photographier eux-mĂȘmes lâĂ©tat des murs, comme Mme Garcia, assignĂ©e en justice pour dette de loyer. Elle fournit aux magistrats des rapports qui confirment que son logement ne rĂ©pond pas Ă certaines caractĂ©ristiques du logement dĂ©cent Article 2 dĂ©cret 2002-120 du 30 janvier 2002, ce qui est constitutif dâun trouble de jouissanceâ. Pourtant, la Cour dâappel de Paris rejette la prĂ©tention car cette femme se trouve occupante sans droit ni titre, nâĂ©tant dĂšs lors plus fondĂ©e Ă exiger la rĂ©alisation des travaux de mise en conformitĂ© [16]. 50Ces actions de blocage ne sont pas isolĂ©es. On les retrouve rĂ©guliĂšrement devant les tribunaux autour de la question du logement dĂ©centâ, quâil soit ou non lâobjet dâun arrĂȘtĂ© de pĂ©ril ou dâinsalubritĂ©. Si pour les locataires, le blocage du loyer est un moyen de nĂ©gociation lĂ©gitime, les rĂ©sultats ne sont pas Ă la hauteur. Le droit de rĂ©sistance nâĂ©tant pas reconnu dans les contrats, le bailleur Ă©carte la plainte, relance les avertissements et active les sanctions qui se dĂ©clinent de la maniĂšre suivante 1 Coupure de lâaide au logement on avertit la caf ; 2 Commandement de payer visant la clause rĂ©solutoire du bail ; 3 Refus de rĂ©ception des demandes de mutation ; 4 Deux mois aprĂšs, le locataire, juridiquement dĂ©chu de tout titre dâoccupation, doit quitter les lieux. Vient enfin la demande judiciaire dâexpulsion. Le rapport de force nâest pas en faveur des locataires, dâautant plus que leurs revendications restent dispersĂ©es et quâelles ne sont pas de la lĂ©gitimitĂ© de leur cause, surtout lorsque celle-ci est partagĂ©e, les habitants Ă©crivent, parcourent les guichets, rĂ©itĂšrent leur demande, pĂ©titionnent Ă plusieurs. Ils Ă©crivent Ă lâOffice public tout en sâadressant Ă lâĂtat, premier interlocuteur en matiĂšre de logement [17]. Parce que lâĂtat est le garant des droits sociaux, au premier rang desquels se place le logement, on lui demande quâil remplisse ses obligations et se plie aux rĂšglements comme on lâexigerait dâun patron. Si dans lâentreprise le patron a une obligation de protection des salariĂ©s envers les accidents du travail, dans le logement lâobligation porte sur lâaccĂšs et la jouissance paisible » des lieux. 52Si lâon confronte les usages du droit du travail aux usages du droit du logement, on peut dire avec A. Cottereau, que sĂ©mantiquement, il nây a pas deux lĂ©galitĂ©s. Il y a dâune part une lĂ©gitimitĂ©, une conviction de justice sur les principes Ă faire respecter. Il y a dâautre part un milieu professionnel [âŠ] quâil faut convaincre, quâil faut amĂ©liorer, en faisant appel au besoin Ă la loi, en redressant sâil le faut ses mauvaises interprĂ©tations et en modifiant ses Ă©noncĂ©s qui se prĂȘteraient Ă des usages injustes » Cottereau, 2006 120. Les locataires des Offices hlm ne forment-ils pas un milieu comparable au milieu créé par la communautĂ© de travail ? Comme dans lâentreprise, ils revendiquent lâordre lĂ©gal, ne cessent de lâinterprĂ©ter, dâen exiger son respect ou son adaptation aux circonstances pratiques. Il ne sâagit donc pas de contester un ordre Ă©tabli. Il sâagit plutĂŽt dâouvrir des passes du droit Lascoumes et Le Bouhris, 1996, dâattĂ©nuer son application, et encore de rĂ©installer les rapports locatifs sur un pied dâĂ©galitĂ©. Les lettres rĂ©tablissent un Ă©quilibre entre les obligations du logeur et des logĂ©s, Ă©largissent le champ de responsabilitĂ© des autoritĂ©s, apostrophent lâĂtat tutĂ©laire pour quâil crĂ©e des relais, des protections, un vrai service public. 53Les lettres que nous avons retranscrites autorisent deux lectures possibles. Si lâon pose le regard sur chaque lettre individuelle, on peut y saisir des paroles singuliĂšres, oĂč des dĂ©tails personnels se mĂȘlent Ă des incidents dans les logements et les parties communes, oĂč des demandes se mĂȘlent Ă des plaintes. On peut les traduire comme de simples demandes dâexception. Cette lecture individualisĂ©e est celle des offices hlm. Restrictive, elle nây voit que de lâurgence, et nâoffre que des rĂ©ponses au cas par cas. Elle transforme les revendications en dĂ©marches individuelles prises dans des logiques administratives. Pourtant, dĂšs que lâon met les lettres en sĂ©rie, elles forment des demandes communes. Et parfois lâOffice, le service contentieux, les huissiers puis la jurisprudence confirment des revirements dâinterprĂ©tations qui donnent gain de cause aux locataires dans leur gĂ©nĂ©ralitĂ©. Au ras du systĂšme administratif-institutionnel, ces Ă©critures nâont de cesse dâinterpeller les administrations et inflĂ©chissent les dĂ©cisions des tribunaux. 54Ă suivre le cours des exigences et des petites dĂ©cisions, on dĂ©couvre alors toute une vie normative locale, dans laquelle les habitants jouent leur rĂŽle de contre-pouvoir. Loin dâĂȘtre de simples faits bureaucratiques, les Ă©critures administratives façonnent un dispositif local dâexpression et de conciliation de conflits, un opĂ©rateur de lĂ©galitĂ© Ă partir duquel lâOffice alterne sanctions et souplesses, rappels Ă la loi et jurisprudence locale. Par le bas, elles travaillent lâexercice quotidien du droit social. Jointes Ă dâautres correspondances concernant dâautres administrations caf, Mairie, PrĂ©fecture, etc., elles permettent de dĂ©couvrir sans doute un rĂ©seau Ă©pais dâĂ©critures qui forme le soubassement quotidien, plaintif, dĂ©cisif, des relations avec lâĂtat social Notes [*] Emilia Schijman, doctorante au Centre de sociologie des pratiques et reprĂ©sentations politiques de lâUniversitĂ© Paris 7 [1] Ce travail a Ă©tĂ© menĂ© dans le cadre dâun mĂ©moire de Master 2 soutenu sous le titre Ăconomie des statuts en citĂ© hlm. RequĂȘtes au guichet et parentĂ©s pratiques autour du bail ». ens-ehess, 2010. Cette recherche se prolonge dans le cadre dâune thĂšse en sociologie en cours. [2] Le droit au logement est ainsi proclamĂ© dans la loi Besson du 31 mai 1990 relative Ă la mise en Ćuvre du droit au logement loi n° 90-449, 31 mai 1990 Garantir le droit au logement constitue un devoir de solidaritĂ© pour lâensemble de la nation ». [3] Suivant les six registres de justification proposĂ©s par L. Boltanski et L. ThĂ©venot civique, domestique, industrielle, dâopinion, marchande, inspirĂ©e. [4] Au cours de lâexploration, nous avons relevĂ© les lettres qui visiblement formaient des sĂ©ries, notamment les tractations autour des statuts dâoccupation, les rĂ©parations pour remĂ©dier aux pannes techniques, les conflits de voisinage. Si la transcription des lettres respecte le style des originaux, les noms et prĂ©noms des auteurs ont Ă©tĂ© changĂ©s. [5] Une enquĂȘte statistique sur dossier serait essentielle pour dĂ©terminer en toute finesse les professions, le genre et les catĂ©gories dâĂąge des scripteurs. Soulignons, nĂ©anmoins, que le travail administratif et scripturaire au sein des familles populaires est largement produit par les femmes Lahire, 1993 ; Siblot, 2006, avec une forte reprĂ©sentation des ex-actifs, une donnĂ©e qui place la rĂ©clamation en particulier par lettre parmi les activitĂ©s de substitution possibles pour tous ceux qui se retrouvent prĂ©maturĂ©ment en position dâinactivitĂ© » TrĂ©pos, op. cit. 105. [6] Source Office public de lâhabitat 93, Direction de la gĂ©rance. EnquĂȘte ressources 2009. [7] Fichier Contentieux 2009. oph93. Service informatique. [8] Ce nâest quâen 1990, avec la loi Besson, que le droit au logement sera assumĂ© comme une responsabilitĂ© ; et il faudra attendre 2007, la loi Dalo, pour que ce droit soit effectivement opposable. Cf. M. BarrĂ©-PĂ©pin, 2009. [9] La jouissance paisible des lieux est une obligation du bailleur Ă©tablit par lâarticle 1719, 3° du Code Civil et par la loi du 6 juillet 1989 dâordre public. [10] Ă chaque fois que quelquâun interprĂšte un Ă©vĂšnement en des termes juridiques, que ce soit pour lâapprouver ou le critiquer, pour se lâapproprier ou y rĂ©sister, de la lĂ©galitĂ© est produite. [âŠ]. Lâinvocation rĂ©pĂ©tĂ©e du droit contribue Ă maintenir sa capacitĂ© Ă agencer les relations » Ewick et Silbey, 2004 129. [11] Celle-ci oblige tous les bailleurs Ă mettre en place un systĂšme de gardiennage et de sĂ©curisation des entrĂ©es, et facilite lâentrĂ©e de la police municipale dans les immeubles afin de rĂ©tablir la jouissance paisible des lieux, des entrĂ©es et parties communes » Circulaire du 3 mai 2002, ActualitĂ©s hlm, n° 731 du 30 juillet 2002. Cf. P. Gareau, 2002. [12] Cass 3° civ., 8 juillet 1992, Administrer, dĂ©c 1993, p. 1 ; Cass 3° civ. 23 mars 1994, Loyers et copr. 1994, n° 235. La coopĂ©ration accrue avec les forces de lâordre servira donc de protection des intĂ©rĂȘts des bailleurs assiĂ©gĂ©s rĂ©guliĂšrement en justice. Cf. Gareau, op. cit. [13] Cour dâappel de Paris, 6ch. C, 19 juin 2007, Perrot c/Pericles. [14] Ă la lecture des textes, le loyer cesse dâĂȘtre dĂ» Ă compter du premier jour dâun arrĂȘtĂ© dâinsalubritĂ©. Non-exigibilitĂ© du loyer en cas de logement insalubre », ajdi, 2006, p. 572. ArrĂȘt rendu par Cour dâAppel de Paris, 6ch .C, 21 mars 2006. [15] Cour dâAppel de Paris, 6 ch. Sect B. 16 janvier 2003, Elalouf M. et autre c/ Halimi Mme [16] Cour dâappel de Paris, 6ch. C, 19 juin 2007, Perrot c/Pericles [17] LâaccĂšs au logement est objet dâactions spĂ©cifiques de la part de lâĂtat et des administrations, et de revendications spĂ©cifiques, adressĂ©es Ă lâĂtat, par les populations concernĂ©es » Sigal, 1981. . 182 361 770 137 534 111 122 507