LeP’tit Fernand et la Grande Guerre Cette annĂ©e, les Ă©lĂšves travaillent sur le spectacle du P’tit Fernand et la Grande Guerre. Pour vous entrainer Ă  la maison, voici les chants que nous avons dĂ©jĂ  travaillĂ©s : L’Adieu Maman La chanson de Craonne Le crocodile Les noms J’ai Ă©tĂ© soldat Ă  18 ans Documents Ă  tĂ©lĂ©charger Maman (MP3, 2.2 Mo) CONCERT LE P'TIT FERNAND ET LA GRANDE GUERRE Dimanche 10 novembre 16h Espace ScĂ©nique de Montission En partenariat avec la Musique de LĂ©onie Le p'tit Fernand et la Grande Guerre Une piĂšce musicale d’Eric Herbette et Julien Joubert PoĂšmes Guillaume Apollinaire, EugĂšne Dabit ChƓur d’enfants MaĂźtrise de LĂ©onard enfants de 8 Ă  13 ans. ChƓur d’adultes ensemble vocal La bonne chanson entre 10 et 20 choristes expĂ©rimentĂ©s Direction Marie-NoĂ«lle Maerten. Fernand, 13 ans, a un exposĂ© Ă  faire sur la premiĂšre guerre mondiale. AprĂšs ĂȘtre passĂ© au monument aux morts, Fernand demande Ă  son pĂšre pourquoi il n’y a pas leur nom gravĂ© sur le monument
 Tout public. EntrĂ©e libre et gratuite ArtMusique et Loisirs et La Musique de LĂ©onie vous invitent au cirque GRUSS le 5 mai Ă  15h pour un spectacle Ă  dominante vocale « Le P’TIT FERNAND et

1Lors de la dĂ©claration de guerre, Hans Rodewald avait 23 ans ; commis dans un commerce, il Ă©tait fiancĂ© Ă  la fille de son employeur. Antoine Bieisse, Ă  peine plus jeune, avait fait des Ă©tudes Ă  peu prĂšs de mĂȘme niveau ; cĂ©libataire, il accomplissait son service militaire Ă  faible distance du domicile de ses parents. Plus ĂągĂ© 29 ans, Fernand Tailhades Ă©tait mariĂ© et avait une petite fille ; travailleur manuel, il avait dĂ©butĂ© comme ouvrier et Ă©tait devenu contremaĂźtre. Un Allemand, deux Français ; des responsabilitĂ©s familiales, des diplĂŽmes, des mĂ©tiers diffĂ©rents. Mais trois combattants de l’infanterie, blessĂ©s, capturĂ©s, soignĂ©s par l’ennemi. 2Le 9 septembre 1914, quand la contre-offensive sur la Marne fait tomber Hans entre les mains des Français, Antoine se trouve dĂ©jĂ  Ă  l’hĂŽpital d’Ingolstadt, car il a Ă©tĂ© pris le 25 aoĂ»t. Quant Ă  Fernand, son rĂ©giment entreprend, depuis Belfort, une longue marche Ă  travers les Vosges, du sud vers le nord, pour aller combattre du cĂŽtĂ© du Violu. 3Avant de donner le texte des carnets rĂ©digĂ©s par les deux combattants français, simples soldats, il est nĂ©cessaire d’essayer de mieux connaĂźtre ces derniers, tous deux des MĂ©ridionaux, toujours soucieux de rencontrer quelqu’un “du pays”, de chanter quelque chanson “du pays”. ANTOINE BIEISSE 4Antoine Bieisse Ă©tait le plus jeune des trois auteurs il avait huit ans de moins que Fernand Tailhades, deux ans de moins que Hans Rodewald. Son grand-pĂšre maternel, Baptiste Dimur, fut le dernier meunier du moulin du Pech, aujourd’hui appelĂ© moulin de Cugarel, qui domine Castelnaudary Aude de sa tour de pierre et de ses ailes restaurĂ©es. Lors de la naissance d’Antoine Bieisse, le 27 septembre 1893, dans la rue des Moulins, son pĂšre Ă©tait brigadier d’octroi. Il allait devenir percepteur de la bourgade de Saint-Papoul, situĂ©e Ă  seulement 7 Ă  8 kilomĂštres de Castelnaudary. Ajoutons encore que, dans sa jeunesse, Antoine Ă©crivait son nom de famille sous la forme erronĂ©e “Biesse”, car l’orthographe correcte, “Bieisse”, s’était perdue. Il la retrouva par la suite, et nous ne pouvons que l’adopter aussi. 5Fils d’un petit fonctionnaire, Antoine dĂ©passa le niveau de l’école primaire et suivit les enseignements du collĂšge de Castelnaudary. Il pratiqua le rugby. On le voit sur une photo du Quinze Avenir Castelnaudarien, saison 1912-1913. Le recrutement militaire Ă©tant rĂ©gional, il put faire le service Ă  Castelnaudary mĂȘme, au 143e rĂ©giment d’infanterie, oĂč il fut appelĂ© en 1913. 6Tandis que Fernand Tailhades, rĂ©serviste mobilisĂ© en aoĂ»t 1914, allait rejoindre le rĂ©giment de rĂ©serve du 143e le 343e, Antoine Bieisse Ă©tait dĂ©jĂ  sous les drapeaux et appartenait Ă  l’active. Le 143e dĂ©barqua en Lorraine le 9 aoĂ»t ; il fut rapidement engagĂ© et subit de trĂšs lourdes pertes. L’écrivain Jean Mistier, lui-mĂȘme originaire de la rĂ©gion, et futur secrĂ©taire perpĂ©tuel de l’AcadĂ©mie française, a dĂ©crit, dans un rĂ©cit autobiographique, l’attente angoissĂ©e Ă  Castelnaudary 1 Jean Mistier, Le Bout du monde, Paris, Grasset, 1964. L’absence de nouvelles des soldats creusait l’inquiĂ©tude des familles, et, vers le trente aoĂ»t, une rumeur sourde, incontrĂŽlable, se rĂ©pandit dans la ville, affolant toutes les femmes “Le 143e a Ă©tĂ© anĂ©anti prĂšs de Morhange, il ne reste que trois cents survivants !” D’autres disaient deux cents, d’autres soixante. [...] Peu aprĂšs, on sut que le 143e, engagĂ© dans la rĂ©gion des Ă©tangs de Lorraine, avait butĂ© sur de solides fortifications de campagne, et perdu pas mal de monde avant de battre en retraite. [...] BientĂŽt arrivĂšrent des avis de dĂ©cĂšs, et on saluait, quand on les rencontrait couvertes de leurs voiles noirs, les premiĂšres veuves de guerre1. 7Antoine Bieisse figura parmi les premiers soldats du rĂ©giment mis hors de combat blessĂ© griĂšvement le 20 aoĂ»t 1914, il resta cinq jours et cinq nuits sur le champ de bataille avant d’ĂȘtre ramassĂ© par les brancardiers allemands et emmenĂ© en captivitĂ©. 8C’est Ă  Ingolstadt, en BaviĂšre, qu’il rĂ©digea le carnet de route dont nous allons donner le texte. En fait, il avait pris des notes sur un premier carnet. Mais on le lui enleva on sait qu’un officier français s’empara de celui de Hans, pour le garder en souvenir. Au moment de rĂ©diger, dĂ©crire de maniĂšre dĂ©taillĂ©e les prĂ©paratifs du dĂ©part, Ă  Castelnaudary, fut une occasion de les revivre, de se retrouver chez lui. Par contre, les journĂ©es du 10 au 19 aoĂ»t, en Lorraine, n’avaient rien d’intĂ©ressant. À partir du 20, se produisirent des Ă©vĂ©nements tragiques et inoubliables, qui constituent le cƓur du rĂ©cit. Comme pour Fernand Tailhades, c’est lorsque commence son aventure personnelle dans l’immense drame collectif que tous les dĂ©tails sont retenus et que le rĂ©cit dĂ©gage une intense Ă©motion. 2 Voir ci-dessus Ă  propos de l’orthographe du nom. 9Le carnet conservĂ©, de petit format 10 x 16 cm, Ă  couverture noire, a vraisemblablement Ă©tĂ© achetĂ© Ă  Ingolstadt. La premiĂšre page porte le titre “Souvenir de la campagne 1914-1915”, le nom de l’auteur “Biesse2 Antoine” et la mention “BlessĂ© le 20 aoĂ»t 1914. Prisonnier le 25. Ingolstadt. BaviĂšre” ; elle est ornĂ©e de quatre drapeaux des AlliĂ©s, France, Belgique, Russie, Royaume Uni. Il comprend un rĂ©cit continu sur 27 pages de juillet Ă  octobre 1914, puis deux pages et demie datĂ©es “PĂąques 1915” et une demi-page sans date prĂ©cise. L’écriture, en grande partie Ă  l’encre, avec les derniĂšres pages au crayon, tĂ©moigne d’une bonne orthographe. Les rares fautes ont Ă©tĂ© corrigĂ©es ici. 10Une lettre de septembre 1915 d’Antoine Ă  ses parents sera Ă©galement reproduite. D’abord parce qu’elle contient des renseignements sur les conditions de la vie de prisonnier aprĂšs sa guĂ©rison, pĂ©riode trĂšs peu abordĂ©e dans le carnet personnel. Ensuite parce qu’elle permet une intĂ©ressante rĂ©flexion sur trois niveaux de tĂ©moignage d’Antoine Bieisse. Le premier niveau serait constituĂ© par les lettres “officielles” Ă  ses parents, c’est-Ă -dire passĂ©es par la censure du camp. Nous n’en disposons pas, mais on comprend que, si elles renseignaient sur la blessure et la capture, elles ne pouvaient signaler de mauvais traitements de la part des Allemands. Dans le carnet personnel, Antoine a pu entrer dans le dĂ©tail de ses malheurs, des souffrances endurĂ©es en attendant les secours, mais, par crainte d’une fouille, sans relever l’hostilitĂ© rencontrĂ©e Ă  son arrivĂ©e Ă  Ingolstadt. Enfin, une lettre Ă  ses parents, confiĂ©e Ă  un camarade devant rentrer en France Ă  l’occasion d’un Ă©change de blessĂ©s, permet de ne rien cacher des cris de haine et des mauvais traitements, sans faire disparaĂźtre toutefois les bons soins reçus des brancardiers sur le champ de bataille et du bon docteur Ă  l’hĂŽpital. On aurait tort, cependant, de ne retenir pour valable que ce dernier document, car il semble avoir Ă©tĂ© Ă©crit au moment d’une grande dĂ©ception. Antoine Bieisse pensait bĂ©nĂ©ficier de l’échange de prisonniers de septembre 1915 ; il dut rester Ă  Ingolstadt, sans savoir pour combien de temps. Sa lettre se ressent de cette cruelle dĂ©ception, et elle a tendance Ă  tout noircir et Ă  exagĂ©rer ses malheurs. Les quelques passages en charabia franco-occitan tĂ©moignent d’une Ă©motion Ă  son comble. 3 Les renseignements concernant la vie d’Antoine Bieisse nous ont Ă©tĂ© communiquĂ©s par son fils Pierr ... 11Le rapatriement d’Antoine eut lieu le 8 dĂ©cembre 1915, via la Suisse et Bellegarde, dans un convoi de grands blessĂ©s, inaptes Ă  revenir au combat. Toute sa vie, il souffrit de sa blessure Ă  la jambe gauche qui l’obligeait Ă  marcher avec une canne, Ă  porter une chaussure orthopĂ©dique et Ă  aller rĂ©guliĂšrement en cure Ă  Lamalou. Il avait Ă©tĂ© nommĂ© en 1917 commis des contributions directes Ă  AngoulĂȘme, puis Ă  Albi oĂč il se maria en 1919. Il mourut le 1er avril 1947 Ă  Cadalen, chef-lieu de canton du Tarn, oĂč il Ă©tait percepteur3. FERNAND TAILHADES 4 Dans la suite des opĂ©rations du dĂ©lainage mazamĂ©tain, le sabrage prĂ©cĂšde le pelage. Les sabreurs p ... 12Fernand Tailhades naquit Ă  Mazamet, le 7 mai 1885. Il quitta l’école primaire Ă  l’ñge de 12 ou 13 ans pour aller travailler dans une usine de dĂ©lainage. En cette fin du XIXe siĂšcle, la petite ville du dĂ©partement du Tarn, centre ancien d’industrie textile, s’était rĂ©orientĂ©e vers une activitĂ© nouvelle, le dĂ©lainage des peaux de moutons importĂ©es de divers pays, principalement d’AmĂ©rique du Sud. Comme beaucoup de jeunes MazamĂ©tains de famille ouvriĂšre, Fernand dĂ©buta comme “marragos”, c’est-Ă -dire homme, ou plutĂŽt enfant Ă  tout faire transporter les balles de peaux ; ramasser la laine aprĂšs le pelage ; la monter, ainsi que les cuirs, aux sĂ©choirs... Dix heures par jour, six jours par semaine. Dans l’humiditĂ© permanente et les odeurs nausĂ©abondes. En grandissant, il obtint une place mieux rĂ©munĂ©rĂ©e, mais tout aussi pĂ©nible, d’abord au “pelage”, puis au “sabrage”4. 5 Simple coĂŻncidence de nom. 13Il effectua son service militaire d’octobre 1906 Ă  octobre 1908, puis une pĂ©riode d’exercices de trois semaines en Ă©tĂ© 1912 au 143e rĂ©giment d’infanterie, basĂ© Ă  Carcassonne et Ă  Castelnaudary. C’est dans son livret militaire qu’on apprend qu’il mesurait 1,62 mĂštre, qu’il Ă©tait “nageur ordinaire” et “assez bon tireur”. Il Ă©pousa Marie-Rose Cazals5 en 1909. Sa fille Marie-Jeanne naquit l’annĂ©e suivante. Ses qualitĂ©s de travailleur reconnues, il devint contremaĂźtre Ă  l’usine du Peigne d’Or, dans la gorge de l’Arnette Ă  Mazamet. Cette petite usine appartenait Ă  M. Jacques Balfet. Elle comptait dix-huit ouvriers d’aprĂšs les statistiques, et diverses photos d’ouvriers de l’usine reprĂ©sentent des groupes de quinze Ă  vingt personnes, parmi lesquelles on peut identifier Fernand Tailhades. Celui-ci aimait son travail et Ă©tait respectĂ© par patron et ouvriers. Sans avoir fait d’études, il savait tenir les livres de paie et, par des calculs dont la mĂ©thode lui Ă©tait personnelle, il savait estimer Ă  la vue le rendement en laine d’une balle de peaux brutes. Le patron se reposait sur lui pour la bonne marche de l’usine. 14La mobilisation de 1914 le rappela Ă  Carcassonne, au 343e RĂ©giment d’infanterie, rĂ©giment de rĂ©serve du 143e. Il partit vers la frontiĂšre et participa aux combats en Alsace, puis dans les Vosges. Il fut blessĂ© et capturĂ© par les Allemands, le 17 juillet 1915, avant mĂȘme d’avoir pu bĂ©nĂ©ficier d’une premiĂšre permission. Sa femme fut vraisemblablement mise au courant par une carte de la Mission catholique suisse Fribourg en faveur de la recherche des prisonniers de guerre Madame, La Mission, prĂ©sidĂ©e par Sa Grandeur Mgr Bovet, Ă©vĂȘque de Lausanne et GenĂšve, a envoyĂ©, sur l’initiative et sous le patronage de la ConfĂ©dĂ©ration suisse, un dĂ©lĂ©guĂ© prĂȘtre catholique de langue française, visiter les camps de prisonniers et les hĂŽpitaux. En passant Ă  Weingarten, Lazaret II, notre dĂ©lĂ©guĂ©, M. le Professeur DĂ©vaud, de l’UniversitĂ© de Fribourg, a eu l’occasion de voir, le 3 aoĂ»t, M. Tailhades Fernand. Il va bien, se guĂ©rit rapidement, est trĂšs bien soignĂ©, a patience et courage. Vous adresse un affectueux bonjour et embrasse bien Marie-Jeanne. AgrĂ©ez, Madame, nos hommages. 15Son patron, M. Balfet, fut avisĂ© par une carte qu’il avait peut-ĂȘtre sollicitĂ©e du ComitĂ© international de la Croix-Rouge, envoyĂ©e aprĂšs consultation des listes allemandes du 21 aoĂ»t, qui prĂ©cisait “signalĂ© avec blessure Ă  l’Ɠil et Ă  la main droite”. 6 PubliĂ© pour la premiĂšre fois en 1980, Ă  trĂšs petit tirage, dans la collection “La MĂ©moire de 14-18 ... 16Fernand Tailhades n’était ni un Ă©crivain, ni un intellectuel. Il n’écrivit jamais que les vingt-cinq pages de son cahier de souvenirs de guerre et de captivitĂ©, rĂ©digĂ©es Ă©videmment sans penser le moins du monde Ă  une publication. Alors, pourquoi cet effort, inhabituel, d’écriture ? Il semble qu’il s’attacha Ă  conserver le souvenir de quelque chose d’extraordinaire qui lui arrivait. Et il pensa que, seule, l’écriture le lui permettrait, acte tout aussi extraordinaire pour lui. Ce n’était pas prĂ©mĂ©ditĂ© au dĂ©but, il ne prenait pas de notes. Il le dit lui-mĂȘme, racontant les premiers jours “à ce moment-lĂ , je ne pensais Ă  garder comme souvenir que ce que j’aurais dans ma mĂ©moire”. Ce qui paraĂźt signifier qu’ensuite il prit des notes. La prĂ©cision du rĂ©cit confirme cette hypothĂšse. La comparaison des dates donnĂ©es par Fernand et de celles de l’Historique du 343e rĂ©giment d’infanterie publication officielle fait apparaĂźtre quelquefois un dĂ©calage d’un jour. Mais il s’agit bien du mĂȘme cheminement, des mĂȘmes positions et des mĂȘmes Ă©vĂ©nements. Puis, au camp de prisonniers, il rĂ©digea son aventure sur un cahier ramenĂ© ensuite avec lui et conservĂ© par la famille. Il le considĂ©rait comme quelque chose de prĂ©cieux et, me disait Madame Tailhades lorsqu’elle me le confia “il serait heureux s’il voyait qu’on en a fait un livre.”6 7 Dumas Claudin, rue du Bois mot illisible, Thizy RhĂŽne ; Lejeune Edouard, boulanger Ă  Le Portel ... 17Le cahier original, de format 17 x 21 cm, comprend 24 pages et 10 lignes d’une Ă©criture trĂšs serrĂ©e, Ă  l’encre ou au crayon. Il n’a pas de titre. La rĂ©daction s’arrĂȘte brusquement. Suivent 11 pages blanches, puis 27 pages sur lesquelles, pendant ou aprĂšs la guerre, l’auteur a dĂ» fixer des photos qui n’étaient plus en place lorsque le cahier nous a Ă©tĂ© remis. Peut-ĂȘtre y avait-il une quarantaine de photos ou cartes postales ; nous en avons retrouvĂ© une dizaine. Les derniĂšres pages comprenaient enfin une liste de colis reçus sans prĂ©cisions en dehors de quelques mentions du mot “tabac” et de la provenance d’un colis M. Balfet ; quatre adresses et un nom sans adresse7 ; les paroles, rĂ©digĂ©es au crayon, de deux chansons Ă  l’eau de rose “Dans les deux” et “Ferme tes jolis yeux”. 8 La photocopie du cahier de Fernand Tailhades a Ă©tĂ© dĂ©posĂ©e aux Archives dĂ©partementales du Tarn, Ă  ... 18Le manuscrit de Fernand Tailhades comporte de nombreuses fautes d’orthographe ; la ponctuation est alĂ©atoire ; il n’y a quasiment pas de dĂ©coupage en paragraphes. Pourrait-on le transcrire Ă  l’identique ? La rĂ©ponse est nĂ©gative. D’abord, parce que la seule reproduction identique rĂ©elle serait le fac-similĂ©8. Ensuite, parce que nous devons respecter l’auteur et le lecteur. Si l’auteur Ă©tait vivant, il demanderait lui-mĂȘme que l’on corrige les fautes d’orthographe, et il accepterait une meilleure ponctuation et un dĂ©coupage plus aĂ©rĂ©. Mais nous insisterions pour qu’il ne modifie pas son style, ses tournures, mĂȘme personnelles, mĂȘme maladroites. Nous refuserions de réécrire le texte. C’est ainsi qu’il a Ă©tĂ© procĂ©dĂ© avec le rĂ©cit de Fernand Tailhades. Pour rendre le texte lisible, sans l’altĂ©rer, il a fallu revoir l’orthographe, restituer la ponctuation, crĂ©er des paragraphes. Tel qu’il est ici, il nous paraĂźt plus agrĂ©able pour le lecteur, tout en conservant le rythme et l’originalitĂ© du style de l’auteur. 9 Construite par des verriers de Carmaux victimes d’un lock-out patronal. InaugurĂ©e en octobre 1896 ... 10 Voir Avec les ouvriers de Mazamet, op. cit., Jean JaurĂšs, nĂ© Ă  Castres, Ă  20 km de Mazame ... 19Que peut-on savoir encore de Fernand Tailhades ? D’aprĂšs sa deuxiĂšme Ă©pouse, il Ă©tait socialiste. Il nourrissait une vive admiration pour la Verrerie ouvriĂšre d’Albi9. Et je trouve un Fernand Tailhades sur la liste des adhĂ©rents au groupe socialiste de Mazamet en 1909-1910. S’agitil de notre auteur ? Serait-ce un rĂ©sultat de la confĂ©rence donnĂ©e par Jean JaurĂšs Ă  Mazamet le 4 avril 1909, en pleine grĂšve des ouvriers dĂ©laineurs ?10 Dans son texte, rien ne laisse supposer qu’il ait thĂ©orisĂ© une inclination politique, produit de son expĂ©rience. Il ne s’est pas fait connaĂźtre comme ardent socialiste Ă  Mazamet. Dans les premiers temps de la guerre, le soldat Tailhades n’évoque pas JaurĂšs ; il parle comme les journaux nationalistes. Il se fĂ©licite de voir “les premiers trophĂ©es de nos armes” ; il “salue cette chĂšre terre d’Alsace” avec tout son rĂ©giment. Puis, il prend contact avec les rĂ©alitĂ©s, et il dĂ©crit, sobrement, la canonnade et les corvĂ©es, les marches Ă©puisantes sous la pluie, les cadavres blancs de gelĂ©e et l’émotion de l’attaque “lĂ , je puis dire que le cƓur me battait bien fort”. Enfin, la derniĂšre partie du rĂ©cit prend un tour intime parce que Fernand vit son aventure personnelle, solitaire, au milieu du drame collectif il est blessĂ©, il craint d’ĂȘtre achevĂ©, il est fait prisonnier. L’épisode fourmille de dĂ©tails, et Ă  tout moment apparaĂźt l’étonnement du captif il est bien traitĂ©, soignĂ©, rĂ©confortĂ© par les Allemands. “Pendant le trajet, ils m’appelaient tout le temps Camarade.” Le seul personnage, outre l’auteur, qui ait une prĂ©sence dans le rĂ©cit, c’est l’Allemand qui Ta pris en charge et qui le conduit Ă  Colmar. Les deux hommes s’arrĂȘtent par-ci, par-lĂ , pour se “rincer un peu la dalle”. Et puis, l’Allemand quitte le Français Ă  l’hĂŽpital et repart, aprĂšs une poignĂ©e de mains “pour aller, peut-ĂȘtre, laisser sa vie Ă  l’endroit oĂč il m’avait sauvĂ© la mienne”. 11 Madame Gabrielle Tailhades nous confia cahier et documents en 1980. Je tiens Ă  associer Ă  son souv ... 20Fernand Tailhades rentra en France le 14 dĂ©cembre 1918. Il reprit son travail dans le dĂ©lainage. Il perdit sa femme en 1938 et se remaria en 1945 avec Gabrielle Rabou11. Il mourut Ă  Canjelieu, un hameau sur les hauteurs, au-dessus de Mazamet, le 30 avril 1957, Ă  l’ñge de 72 ans.

Pourpreuve de leur amitié, Fernand Maillaud illustre le manuscrit Les contes de la Limousine de Gabriel Nigond, artiste mondialement reconnu. En observation 1916 de Fernand Maillaud. La femme et le blessé 1914 de Fernand Maillaud Le soir dans les tranchées de Fernand Maillaud. Léon Broquet (1869-1935)
Fernand Jaillet est né à Sagy et St Martin en 1903. Il a passé son enfance à Frontenaud. En 1978, la société des Amis de l'Instruction et de l'Agriculture de Sagy organise une exposition sur le thÚme "la vie à Sagy et Saint Martin du Mont pendant la grande guerre." Afin d'apporter des éléments à ce travail de mémoire, Fernand Jaillet propose à l'association un texte manuscrit de vingt pages racontant ses mémoires de petit vacher bressan pendant cette période. Vingt ans plus tard, ce texte est ressorti pour alimenter l'écriture du spectacle "la grande moisson" qui sera joué à la Grange Rouge pendant les étés 1998, 1999, 2000.

MariĂ©le Lundi 04 Novembre 1878, MĂ©ry-PrĂ©mecy, Ă  Marie Claire Alexandrine PÉCHON, nĂ©e le Lundi 30 Juillet 1860, MĂ©ry-PrĂ©mecy, On les trouve nommĂ©s, comme ma mĂšre les appelait aussi, Pajules et Maman AĂŻe, dans les lettres de guerre de leur gendre (22 /tampon 24/ Octobre 1914), Georges LAMBERT, mon « tendre grand’pĂšre », qui donne

Fernand Burniaux parti de la rĂ©gion de Namur pour dĂ©fendre son pays, il laissera les siens et notamment une petite fille qu'il ne connaitra qu'aprĂšs-guerre - Collecte RTBF/collection PrivĂ©e A. Minet © La terrible histoire d'un homme ordinaire. Si le rĂ©cit de vie de Fernand Burniaux devait porter un titre de roman, il est probable que ce soit celui-lĂ  tant son histoire Ă©voque jusqu'Ă  la guerre un parcours de vie plutĂŽt tranquille, on oserait presque Ă©crire " banal ". Mais la guerre vient tout chambouler et surtout elle laisse des traces, des impacts durables sur les populations sans histoire et en particulier sur la vie de Fernand que nous a transmise son beau-petit-fils, AndrĂ©. Quand la guerre Ă©clate, Fernand a 26 ans. Milicien de 1908, bien installĂ© dans la commune de Surice avec son Ă©pouse Rosa, rien ne le prĂ©pare Ă  faire la guerre. Il est bien loin de penser qu’il sera rappelĂ© lors de la mobilisation gĂ©nĂ©rale fin juillet 14 et surtout que ce rappel se transformera en quatre longues annĂ©es loin de chez lui, lui qu’une perspective de court Ă©loignement fait dĂ©jĂ  frĂ©mir. L'Ă©pouse de Fernand avait Ă  coeur de lui envoyer des portraits de... Une lettre envoyĂ©e par la toute jeune Fernande, sur idĂ©e et dictĂ©e... L'Ă©criture touchante de Fernande,petite fille qui apprend Ă  peine... Fernand n'a eu de cesse de penser Ă  son Ă©pouse et Ă  sa fille Fernand a mis par Ă©crit ses pensĂ©es sur la guerre. Cent ans plus... En 1918, Fernande Ă©tait dĂ©jĂ  une belle petite fille. Fernand ne... Fernand Survivre Ă  la guerre pour rencontrer sa fille ! Courrier... Fernand Survivre Ă  la guerre pour rencontrer sa fille ! L'Arbre gĂ©nĂ©alogique simplifiĂ© de la famille Burniaux Des adieux dĂ©chirants C'est donc le coeur gros que les adieux se font Ă  la gare de Romedenne, Ă  cotĂ© de Surice. Fernand prend congĂ© de son Ă©pouse Rosa - qui attend leur premier enfant - le 1er aoĂ»t 1914. “Quitter sa chĂšre femme aprĂšs une pĂ©riode de trois annĂ©es passĂ©es dans un vrai bonheur et envisager la guerre, c'est dur! Enfin, je m'arrache de ses bras, et Ă©touffant avec peine mes larmes, sans mĂȘme pouvoir lui dire adieu je pars”. Quelques jours plus tard, il est Ă  Bruxelles quand l’annonce de la guerre se fait officielle. Cette nouvelle est accueillie aux cris de “Vive le Roi! A Mort les Boches!” mais Fernand, lui, voit s’envoler l’espoir d’une absence temporaire de son foyer et il pense Ă  Rosa qui devra poursuivre sa grossesse seule dans un pays en guerre “Finis les rĂȘves de retour! Je revois en mon esprit bouleversĂ© ma bonne Rosa et toute ma famille que j'ai Ă  peine eu le temps de revoir avant mon dĂ©part Ă  l'annonce de cette cruelle nouvelle”. C'est donc le coeur gros que les adieux se font Ă  la gare de Romedenne, Ă  cĂŽtĂ© de Surice. Fernand prend congĂ© de son Ă©pouse Rosa - qui attend leur premier enfant - le 1er aoĂ»t 1914. Un dur apprentissage Fernand est versĂ© dans une compagnie de brigadiers cyclistes. Cela lui donne l’opportunitĂ© de bouger, mais Ă©galement d’ĂȘtre un fin observateur du paysage et des hommes qui l’entourent. Ainsi, il dĂ©crit son environnement et les gens qu’il rencontre de façon trĂšs prĂ©cise ce qui fait de son journal un tĂ©moignage extrĂȘmement intĂ©ressant. Bien que conscient de l’importance de son devoir, Fernand n’est pas un va-t’-en-guerre. Il est mĂȘme assez critique vis-Ă -vis des autoritĂ©s militaires et des politiques mais aussi des Allemands. Le 11 aoĂ»t 14, il Ă©crit "Je maudis de toute mon Ăąme la guerre et surtout ceux qui nous l'ont imposĂ©e". Il n’a pas encore fait l’expĂ©rience du feu. Celle-ci viendra quelques jours plus tard, le 15 aoĂ»t 14, il Ă©crit “C'est terrible! Pour la premiĂšre vision de bataille, je crois que jamais je ne l'oublierai”. Mais il a Ă©galement une motivation alimentĂ©e par les informations qui lui sont parvenues concernant son village, incendiĂ© au dĂ©but des hostilitĂ©s. Ces scĂšnes de bataille, Fernand aura malheureusement Ă  les revivre Ă  plusieurs reprises mais il sera Ă©galement tĂ©moin des atrocitĂ©s visant les civils comme ce 25 aoĂ»t 14 oĂč il dĂ©crit "L'entrĂ©e du village d'Hofstade, un spectacle Ă©coeurant se prĂ©sente Ă  mes yeux je vois sur la route une femme ĂągĂ©e d'au moins septante ans traversĂ©e de part en part par la baĂŻonnette d'un de ces damnĂ©s. La pauvre vieille tient encore Ă  la main une aiguille et un bas qu'elle Ă©tait occupĂ©e Ă  rĂ©parer". Fernand est nommĂ© caporal et citĂ© Ă  l’ordre du jour pour s’ĂȘtre distinguĂ© Ă  la bataille de Molen. Ces scĂšnes d’horreur et de combat sont entrecoupĂ©es par une grande nouvelle pour Fernand il est papa! Mais un papa qui, Ă  cause de la guerre, n’a pas le droit de voir son enfant ni de fĂ©liciter son Ă©pouse. La joie l’inonde mais Ă©galement la souffrance d’ĂȘtre loin de son Ă©pouse en cet instant important et de ne pas pouvoir faire connaissance avec sa fille, prĂ©nommĂ©e Fernande en son honneur. Bien que conscient de l’importance de son devoir, Fernand n’est pas un va-t’-en-guerre. Il est mĂȘme assez critique vis-Ă -vis des autoritĂ©s militaires et des politiques mais aussi des Allemands. Le 11 aoĂ»t 14, il Ă©crit "Je maudis de toute mon Ăąme la guerre et surtout ceux qui nous l'ont imposĂ©e". Les copains comme soutien Pour tenir le coup et trouver la force de retrouver les siens, Fernand peut compter sur la camaraderie de ses compagnons d’armes et spĂ©cialement de ceux qui sont, comme lui, de la rĂ©gion de Surice. Il Ă©voque souvent dans ses rĂ©cits ses amis avec lesquels il partage un moment de pause ou de marche. Les conditions de campagne auxquelles est confrontĂ© Fernand sont difficiles. Les conditions matĂ©rielles, le manque de confort des endroits dans lesquels il cantonne bien sĂ»r mais pas uniquement Rosa lui manque terriblement. Le 1er dĂ©cembre 17 alors que le froid sĂ©vit dehors et qu'il est confrontĂ© Ă  une dĂ©primante solitude, il se confie "Ma pensĂ©e va souvent, lĂ -bas, prĂšs de ma chĂšre femme. OĂč est-il donc le bon temps, oĂč les soirĂ©es d'hiver se passaient Ă  jouer aux cartes au coin d'un bon feu, ou faire de la musique avec les amis? Et puis une angoissante pensĂ©e m'Ă©treint a-t-elle le chauffage nĂ©cessaire ma pauvre Rosa?“...”Ah! Vivement la fin de ce terrible cauchemar!!! PlutĂŽt mourir de travail que cette vie de langueur et de fainĂ©ant. Les jours me semblent des mois et les mois des annĂ©es". Le 29 dĂ©cembre de la mĂȘme annĂ©e,aprĂ©s plusieurs jours de marche qu'il supporte difficilement "si c'est cela un repos, qu'on nous envoie au front!", son moral n'est pas arrangĂ© "Nous avons pour notre fin d'annĂ©e un jour sans pain et sans viande”. Le lendemain cependant, un de ses amis lui demande d'ĂȘtre tĂ©moin de son union prochaine ce qui a pour consĂ©quence de mettre un brin de soleil dans cet univers qui lui semble si morne. Au fil des pages, on sent Fernand de plus en plus amer et dĂ©couragĂ© mais l’offensive finale va se charger de lui trouver une nouvelle source d’espoir et de concentration. Un guerre sans fin L'annĂ©e 1918 s'ouvre pour Fernand sur sur une interrogation dĂ©chirante, en proie Ă  la dĂ©prime de passer les fĂȘtes censĂ©es cĂ©lĂ©brer la nouvelle annĂ©e, loin de chez lui “Qui aurait jamais osĂ© croire que nous serions encore en guerre Ă  cette date, lorsque nous sommes partis? Voici la quatriĂšme fois que ce jour nous remplit actuellement d'amers souvenirs et jadis si beau jour de fĂȘte familiale. C'est la quatriĂšme fois que nous le passons loin de ceux qui sont si chers et privĂ© de la moindre nouvelle les concernant, c'est amĂšrement triste!!!" Fernand est Ă©videmment loin de savoir que ce sera la derniĂšre annĂ©e de cette "Grande Guerre". Cette annĂ©e sera pourtant Ă©galement marquĂ©e par des petites joies le 15 janvier, il demande une dĂ©rogation de congĂ© pour assister au mariage de son neveu, Lucien. Quelques jours plus tard, il arrive Ă  Paris oĂč Lucien le rejoint. Ensemble, ils se rendent dans le village oĂč Lucien a Ă©tĂ© rĂ©fugiĂ© de guerre au dĂ©but du conflit et oĂč il doit Ă©pouser sa fiancĂ©e. Il passe quelques jours en leur compagnie entre visites dans le pays et cĂ©rĂ©monies et rentre le 5 fĂ©vrier 1918 au front "avec un formidable cafard". Il faut dire que pendant tout ce temps, il est sans nouvelle de Rosa et de Fernande ce qui l'affecte profondĂ©ment. Le 6 mars 1918, il est tĂ©moin de violents bombardements. Des membres de sa compagnie sont touchĂ©s et Fernand en sera profondĂ©ment choquĂ©. Paradoxalement, cette journĂ©e terrible sera Ă©galement le jour oĂč Fernand recevra une carte de sa Rosa "aprĂšs trois ans sans nouvelles directes" et l'objet d'un grand bonheur, joint Ă  un immense soulagement pour Fernand. La mort et l'amour, ensemble sur le front. Le lendemain, alors que l'on compte les pertes, les prises de positions et de prisonniers, il reçoit une photo de Rosa et de la petite Fernande. Mais la guerre continue comme si elle ne devait jamais cesser. De fait, Fernand pense que la paix n'est pas pour bientĂŽt et il note le 15 mars "Je ne m'Ă©tonnerais pas si nous sommes encore ici l'annĂ©e prochaine Ă  pareille date "
 Il est conscient de la difficultĂ© que reprĂ©senterait le fait de se battre sans les alliĂ©s anglais et amĂ©ricains. Il est Ă©galement le tĂ©moin d'une scĂšne qui illustre bien les sentiments envers les Allemands qui pouvaient prĂ©valoir sur le front. Le 15 mai 1918, il Ă©crit “Dans le courant de l'aprĂšs-midi, deux de nos ballons sont incendiĂ©s par l'ennemi. Un peu plus tard, un troisiĂšme ballon est manquĂ© et l'aviateur boche est atteint par les "scrapnells" de nos artilleurs. Il est obligĂ© d'atterrir et vient s'abĂźmer dans le toit d'une maison oĂč il reste perchĂ© comme un pigeon Ă  l'entrĂ©e de son colombier. Belges, Français et Anglais s'Ă©lancent pour cueillir l'aviateur qui, immobilisĂ© dans sa nacelle, attend avec une angoisse visible le sort qui dĂ©cidera de sa personne. Belges et Français poussĂ©s par la haine pour tout ce qui est boche veulent lui "arranger son affaire" mais en sont empĂȘchĂ©s par les officiers anglais qui parviennent non sans peine Ă  embarquer l'aviateur dans une auto et l'Ă©vacuer sur l'arriĂšre". Il Ă©voque Ă©galement la situation en pays occupĂ© pour lequel il a la plus grande inquiĂ©tude. Il parle de "rĂ©volte de la faim" Ă  Bruxelles mais sans beaucoup plus de dĂ©tails car la censure guette. Au printemps de la mĂȘme annĂ©e, les troupes autour de Fernand sont Ă©galement touchĂ©es par des fiĂšvres et Ă©vacuĂ©es vers les hĂŽpitaux. S'agit-il de la grippe espagnole? Nul ne sait! Le 31 mai 18, il Ă©crit sa lassitude "Rester constamment sous la gueule des canons et attendre si le prochain obus sera ou non pour vous. Ce n'est pas gai! Et voilĂ  5 jours que cela dure!Je prĂ©fĂ©rerais de beaucoup ĂȘtre en premiĂšre ligne ..." Fernand dĂ©veloppe aussi du ressentiment face Ă  certaines injustices dont il est le tĂ©moin sur le front. L'armĂ©e a besoin de tous les bras disponibles et certains soldats blessĂ©s sont renvoyĂ©s plutĂŽt hĂątivement au front "Il me semble que c'est lĂ  une triste maniĂšre de rĂ©compenser les braves qui donnent leur sang et surtout trĂšs peu encourageant pour ceux qui sont tentĂ© de regarder un peu en arriĂšre, mĂȘme pour ceux qui se dĂ©vouent”. Au fil des pages, on sent Fernand de plus en plus amer et dĂ©couragĂ© mais l’offensive finale va se charger de lui trouver une nouvelle source d’espoir et de concentration. Son Ă©criture se fait plus rare. On le devine en train de se battre, n’ayant plus de temps ou d’endroit pour poser ses pensĂ©es sur le papier. Sans doute, pense-t-il toujours autant Ă  sa famille mais ses souvenirs, Fernand les emportera avec lui au plein coeur des batailles
 L'Armistice un nouvel espoir Enfin, vient le temps de la paix. Fernand, qui ne savait plus si il devait y croire pour de bon ou non, est tĂ©moin de l’incroyable Ă©lan de joie qui emporte les hommes “Alors tout le monde donne libre cours Ă  sa joie qui retenue depuis longtemps par le doute Ă©clate; enfin, on s'embrasse, on se serre les mains, on chante, on crie. Ah! Quel beau jour! MalgrĂ© la pluie qui ne cesse de tomber. Quel bonheur de pouvoir enfin revoir ses chers parents et son cher patelin sauvĂ© aussi d'une inĂ©vitable destruction”. ImmĂ©diatement aprĂšs, ses pensĂ©es sont pour Rosa "Oh! Ma chĂšre femme, si tu savais si tu pouvais me voir bien vivant et n'attendant plus maintenant que le beau jour de te serrer dans mes bras, que tu serais heureuse! Mais malheureusement l'incertitude te fait cruellement souffrir!... Et cependant, il m'est impossible de te prĂ©venir, de te crier, patience, dans peu de temps, tu reverras ton cher Fernand, qui maintenant n'attend plus que la dĂ©livrance”. Le soir, Fernand fĂȘte la fin de la guerre avec une petite sortie Ă  Eekloo. Il sera dĂ©corĂ© et mis Ă  l'honneur pour sa participation entiĂšre et dĂ©vouĂ©e Ă  la Grande Guerre notamment de l’ordre de la mĂ©daille de l’Yser. Une lettre dĂ©chirante Cela fait maintenant trois ans que Fernande est nĂ©e. Son pĂšre n’a toujours pas pu faire connaissance avec elle. Au cours de l’annĂ©e 1918, Fernand a reçu une lettre Ă©mouvante de sa fille, une lettre encore empreinte de l'Ă©criture malhabile de l'enfance et qui lui rappelle le temps qui est passĂ© depuis sa naissance "Mon petit papa, maman est triste parce que nous ne recevons pas de lettre de toi. Moi je veux t'Ă©crire pour te montrer ce que je sais faire. Moman sic dit que je suis maladroite et toi papa que penses tu ? Je voudrais bien que tu serais de maman et de marraine. Ta petite fille qui t'aime beaucoup. Fernande Burniaux". Fernand rencontrera enfin sa fille,pour la premiĂšre fois, le 27 dĂ©cembre 1918 Ă  la suite d’un trajet en train qui le fera revenir en Belgique enfin libĂ©rĂ©e. Il retrouvera Ă©galement non sans Ă©motion son Ă©pouse, Rosa et ensemble ils auront une deuxiĂšme fille aprĂšs la guerre. Rattrapant le temps perdu, il profitera de sa famille, triste pour les camarades qu’il laissa derriĂšre lui mais heureux d’avoir pu ĂȘtre un maillon dans la chaĂźne de la paix. Une vie heureuse aprĂšs-guerre Fernande deviendra religieuse, sa soeur, se mariera et aura des enfants et des petits-enfants. Fernand sera dĂ©corĂ© et mis Ă  l'honneur pour sa participation entiĂšre Ă  la Grande Guerre. La famille restera unie et Fernand quittera ce monde entourĂ© des siens Ă  Surice en 1960. Pour ce qui est des relations familiales, le journal de Fernand Burniaux est un tĂ©moin Ă©mouvant de ce qu'a pu ĂȘtre la vie des hommes loin de leurs Ă©pouses et leurs sentiments par rapport Ă  leur vie de famille. On ressent en effet chez Fernand une profonde Ă©motion quand il Ă©voque sa femme et de sa petite fille et ce mĂȘme si la vie quotidienne des couples Ă©taient en ce dĂ©but de XXe siĂšcle empreint d'un certain traditionalisme. Son tĂ©moignage est donc un trĂ©sor Ă  conserver prĂ©cieusement et dont Monsieur Minet, dont l'Ă©pouse est la petit-fille de Fernand que nous remercions ici, peut ĂȘtre fier.

. 386 257 701 53 703 23 545 635

le petit fernand et la grande guerre